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Mexique - Un mouvement anarchiste méconnu

vendredi 5 mai 2023, par David Poole (CC by-nc-sa)

De 1865 à 1880, le rôle des anarchistes dans la naissance et le développement d’un syndicalisme révolutionnaire au Mexique est primordial. Ils ont su développer l’idée de révolution sociale, aussi bien parmi les ouvriers qu’au sein de la paysannerie.

Les anarchistes doivent entrer dans les syndicats ouvriers, d’abord pour y mener une propagande anarchiste et, ensuite, parce que c’est le seul moyen pour que — le jour que nous attendons tous venu — nous puissions avoir à notre disposition des groupes capables de prendre le contrôle de la production ; enfin, nous devons entrer dans les syndicats pour nous battre énergiquement contre ce détestable état d’esprit qui conduit les syndicats à se désintéresser d’intérêts autres que particuliers...

Malatesta

(...) Le fait insurrectionnel, destiné à affirmer les principes socialistes par l’action est le seul moyen efficace de propagande, et le seul qui sans tricher ou corrompre les masses est capable de pénétrer les plus basses couches sociales et d’attirer les forces vives de l’humanité dans la lutte (...).

Cafiero/Malatesta

Le rôle des anarchistes dans la Révolution mexicaine est assez méconnu. Qu’il y ait eu des anarchistes au Mexique à cette époque et qu’ils aient pris une part importante dans le déroulement de la révolution peut surprendre beaucoup de gens ; même des anarchistes. Il est aussi méconnu que les anarchistes ont été très actifs avant la révolution. Une fois de plus, ils ont contribué à l’apparition d’une idéologie anti-autoritaire et ont essayé de démontrer aux travailleurs qu’il existait une alternative à la misère engendrée par l’exploitation capitaliste et étatique.

Plotino Rhodakanaty

Les origines du mouvement anarchiste mexicain remontent à l’arrivée au Mexique du grec Plotino Rhodakanaty. Disciple de Fourier et de Proudhon, il mêlait les deux pensées. Au fil des ans, Rhodakanaty devait s’avérer un élément moteur dans l’orientation du mouvement ouvrier vers le socialisme libertaire. Ce qui suit est une esquisse de ce que fut l’activité des anarchistes de 1865 à 1880, la part qu’ils ont prise et l’influence apportée au mouvement ouvrier qu’ils ont, pour beaucoup, créé, et de leur tentative de promouvoir l’idée de révolution sociale dans les campagnes.

Sándor Petőfi

Plotino Rhodakanaty est né à Athènes en octobre 1824. Sa mère était autrichienne et son père grec, originaire de l’île de Rhodes. Encore enfant Rhodakanaty partit pour Vienne après la mort de son père au cours de la guerre d’Indépendance ; c’est là qu’il grandit et qu’il étudia. Après avoir étudié la médecine quelque temps à l’université, il gagna Budapest et, en 1848, se battit aux côtés de Kossuth et Petöfi lors de la tentative ratée de soulèvement contre la domination autrichienne. L’année suivante, il partit avec sa famille pour Berlin où il poursuivit ses études de médecine. Plusieurs armées plus tard, il commença à lire des auteurs socialistes ; tout particulièrement les travaux de Fourier et de Proudhon ; impressionné par ce dernier après la lecture de Qu’est-ce que la propriété ?, il fit le voyage spécialement à Paris en 1850 pour y rencontrer personnellement Proudhon.

En 1857, Rhodakanaty s’installe à Paris où, trois ans plus tard, en 1860, il fait paraître son premier livre : De la naturaleza. A l’époque, il fréquentait plusieurs libéraux mexicains qui parlaient avec enthousiasme du récent programme de réforme agraire au Mexique à l’initiative de Comonfort [1]. Ce programme comprenait une invitation aux étrangers à venir s’installer et implanter des colonies agricoles au Mexique. Cette invitation intéressait grandement Rhodakanaty qui voyait là une opportunité de mettre en pratique les idées héritées de Fourier et de Proudhon. Il se rendit d’abord à Barcelone étudier l’espagnol, puis il embarqua pour le Mexique et arriva à Veracruz en février 1861.

Port de Veracruz

Toutefois, à son arrivée au Mexique, il trouva la situation radicalement modifiée. Comonfort n’était plus au pouvoir et le pays était au bord de la guerre civile. Sans se laisser décourager par les événements, il tenta de recruter des membres pour former une communauté agricole. Ce fut un échec. Il partit alors pour Mexico où il essaya de trouver un emploi d’enseignant. Après s’être vu refusé un poste au collège de San Ildefonso, il finit par trouver une place de professeur de philosophie dans une école préparatoire.

Toujours tenté par son projet initial de former des communautés agricoles, il publia une brochure Cartilla socialista sous-titrée Catecismo elemental de la Escuela de Carlos Fourier dans l’espoir de récupérer des adhérents. L’homme, écrit-il, divise la terre de partout selon les intérêts de l’industrie, des classes, des partis, des nationalités, etc. Cet état de fait crée des tensions au lieu de l’harmonie qui devrait unir les hommes pour leur bonheur commun et pour l’accomplissement de leur destinée commune. A cause de cette situation, l’humanité est toujours sous l’influence du mal. Une fois de plus, ceci ne mena à rien.

En 1863, Rhodakanaty mit en place un groupe de discussion composé d’étudiants de l’école préparatoire et, au début de l’année suivante, publia une autre brochure intitulée Neopanteismo, consideraciones sobre el hombre y la naturaleza dans laquelle il fait se rejoindre le socialisme « utopique » de Fourier et l’anarchisme de Proudhon. Cet essai provoqua un vif intérêt parmi ses étudiants, et les membres du groupe augmentèrent. Parmi eux on comptait Hermenegildo Villavicencio, un étudiant en médecine, Santiago Villanueva, ébéniste et graveur, et un autre étudiant en médecine âgé de 19 ans, Francisco Zalacosta. Très vite, le groupe devint le Grupo de Estudiantes Socialistas puis, plus tard la même année, La Social, Sección internacionalista. Le but de La Social, comme Rhodakanaty l’expliqua plus tard, était de défaire les liens existant entre l’État et le système économique, la réorganisation de la propriété, l’abolition de la politique et des partis politiques ainsi que la destruction complète du système féodal...

L’année suivante, le groupe décida de passer des mots à l’action. Zalacosta et Villavicencio abandonnèrent leurs études afin de se consacrer entièrement à la lutte. Villanueva remit sur pieds la défunte Sociedad Particular de Socouros Mutuos, une organisation mutualiste fondée en 1858 par le réformiste Epifanio Romero. L’intention de Villanueva était de radicaliser la Sociedad et d’en faire un lieu de lutte.

En mars 1865, Villanueva et Zalacosta furent délégués par la Sociedad pour rencontrer les ouvriers des usines textiles de San Ildefonso à Tlalnepantla et de La Colmena à Mexico. A la suite de ces rencontres fut fondée la Sociedad Mutua del Ramo de Hilados y Tejidos del Valle de Mexico le 15 du même mois et, rapidement, de plus anciennes sociétés mutualistes rejoignirent la Sociedad Mutua. Le 10 juin 1865, les ouvriers de San Ildefonso et de La Colmena se mirent en grève contre une diminution de salaire, une augmentation des heures de travail (de 5 h le matin à 18 h 45 pour les femmes et 19 h 45 pour les hommes), et le renvoi abusif de quelque cinquante tisserands par les employeurs. Maximilien fit intervenir la troupe de la gendarmerie impériale nouvellement formée. Cette dernière, sous le commandement de Eulalio Núñez n’hésita pas à ouvrir le feu sur les grévistes, en blessant une douzaine. D’autres furent arrêtés et emprisonnés, et prévenus que s’ils ne reprenaient pas le travail, ils seraient fusillés. La première grève de l’histoire du mouvement ouvrier mexicain s’achevait par une défaite.

Inébranlés par l’échec de la grève, Villanueva et Villavicencio intensifièrent leur travail de propagande, aidés par les peintres Evaristo Meza et R. P. de León et les sculpteurs M. Ibarra et Juan Fragoso. Ils reformèrent la Sociedad Artística Industrial qui avait principalement pour membres des graveurs, des peintres et des sculpteurs. Durant les quelques années qui suivirent, la Sociedad Artística devint le point de mire du travail de la propagande libertaire.

En 1867, l’armée française se retira du Mexique et Maximilien, défait, fut exécuté à Querétaro par les forces du libéral Juárez. Avec la chute de Maximilien et l’avènement d’une « république restaurée », de nombreux libéraux éminents retournèrent à Mexico dont Epifanio Romero. Immédiatement, Romero essaya de prendre le contrôle de la Sociedad Artística dont il était cofondateur. Il essuya un refus catégorique de la part de Villanueva. Alors que le gouvernement impérial de Maximilien avait été trop occupé à combattre les libéraux pour s’inquiéter du développement des syndicats, l’attitude de l’administration Juárez était différente. Alarmée par l’indépendance grandissante et la force des ouvriers, elle avait l’intention d’institutionnaliser le mouvement et de le mettre sous le contrôle du gouvernement.

A la fin de l’été 1867, Romero et Juan Cano, un autre partisan de Juárez, fondèrent le Conservatorio Artístico Industrial en opposition à la Sociedad Artística de Villanueva et avec le soutien total du gouvernement Juárez qui leur alloua une subvention annuelle de 1 200 pesos. D’autres libéraux en vue firent des donations en liquide. Juárez lui-même fut nommé président honoraire. En décembre de la même année, lors des élections de l’organisation, Cano battit Villanueva et les deux sociétés rivales se fondirent en une seule sous le nom de Sociedad Artística avec Cano comme président. Juárez fit don de l’église de Pedro y San Pablo à la Sociedad Artística Industrial pour qu’elle s’y établisse.

La Fama Montañesa

Ce revers ne découragea pas Villanueva. Il redoubla ses efforts organisationnels. En janvier 1868, avec Villavicencio et R. P. de León, il organisa les tisserands de l’usine textile de La Fama Montañesa à Tlalpan ; puis, fut formée l’Unión Mutua de Tejedores del Distrito de Tlalpan, rassemblant les travailleurs de trois autres filatures de la région, Contreras, La Abeja et Tizapan. Le 8 juillet 1868, les ouvriers de La Fama Montañesa se mirent en grève. Ils revendiquaient de meilleures conditions de travail et une réduction du temps de travail pour les ouvrières. Face à la détermination des ouvriers, les employeurs cédèrent et leur accordèrent tout. Ce fut la première grève aboutie de l’histoire du Mexique.

Dans le sillage de la victoire des ouvriers de La Fama Montañesa, de nouvelles organisations se créèrent, dont la Sociedad Mutua del Ramo de Carpintería, l’Asociación Socialista de Tipógrafos Mexicanos, l’Unión Mutua de Canteros ; et se reformèrent les sociétés mutuelles de San Ildefonso et des filatures de La Colmena. Villanueva retrouva la présidence de la Sociedad Artística.

Insurrections paysannes

Pendant que Villanueva et Villavicencio commençaient leur travail d’agitation autour de la capitale, Rhodakanaty démissionnait de son poste d’enseignant et quittait Mexico. Sa démission était motivée par son hostilité au régime de Maximilien placé sur le trône l’année précédente. En janvier 1865, il s’installa à Chalco, petite ville à l’extrême sud de l’État de Mexico, avec l’intention, toujours, d’y démarrer une communauté agricole. Une fois de plus, le projet n’aboutit pas. A sa place, il fonda une école pour les campesinos et leurs familles, qu’il appela La Escuela de la Razón y del Socialismo ou La Escuela Moderna y Libre.

Dans une de ses lettres à Zalacosta, Rhodakanaty décrit le travail dans son école : Durant la journée, les enfants tremblant de froid et de faim apprennent non seulement à lire et à écrire, mais reçoivent en plus leurs premières notions de liberté. Le soir, quand les péons sont revenus de leur travail dans l’hacienda toute proche, je leur enseigne le socialisme de Fourier et l’anarchisme de Proudhon. Ils apprennent également à parler en public (...)

Très vite, l’un des étudiants, un jeune péon d’une hacienda proche de Texcoco, attira l’attention de Rhodakanaty par l’intérêt qu’il portait à son enseignement. Il s’appelait Julio Chávez López. Bientôt, Chávez, sous le patronage de Rhodakanaty et de Zalacosta qui l’avait rejoint à la fin de 1865, devint l’un des plus remarquables et des plus éloquents élèves de l’école. Son maître avait enflammé son imagination et il se convertit à l’anarchisme. Ainsi écrivait-il à Zalacosta en 1868 : (...) Je suis un socialiste communiste. Je suis un socialiste parce que je suis ennemi de tout gouvernement, et un communiste parce que mes frères veulent travailler la terre en commun (...)

En 1867, avec la chute de Maximilien et le retour au pouvoir de Juárez, Rhodakanaty revint à Mexico laissant à Zalacosta le soin de s’occuper de l’école. Rapidement, l’école se retrouva être plus qu’une école, mais un club par y para la libertad. En même temps, Chávez fondait un club socialiste à Chalco pour y étendre l’œuvre de l’école. Fin 1868, Chávez partit s’installer dans le sud-ouest de l’État de Puebla et entreprit d’organiser les campesinos avec pour but de commencer une révolution sociale. En janvier 1869, il écrit à Zalacosta : (...) Maintenant je me suis installé ici. Il y a beaucoup de mécontentement parmi nos frères à cause de tous les généraux qui essayent de leur prendre la terre. Que penserais-tu si nous faisions une révolution sociale ? Sans attendre de réponse, Chávez organisa une bande de campesinos armés et commença à attaquer les haciendas de la région. Très vite, il étendit ses activités aux États voisins, Morelos et Mexico.

En février 1869, ils prirent l’hacienda de Alfajayucan aux cris de A bas les haciendas et ils désarmèrent un détachement de soldats fédéraux qui s’y trouvait en garnison. Plus tard le même mois, ils prirent les villes de Chimalhucan, Coatapec et Acuantla. Le gouvernement de Juárez, agissant avec la brutalité habituelle de la part de l’État, envoya sur place ses troupes sous le commandement du général Cuéllar. Incapable de stopper l’insurrection, ils se déchaînèrent dans une vague de répression telle que même le préfet de la région de Texcoco, Antonio Flores, se plaignit auprès du gouvernement des atrocités commises par les troupes de Cuéllar. Les péons soupçonnés d’être des partisans de Chávez étaient arrêtés par centaines et déportés vers le Yucatàn où ils étaient vendus comme esclaves. Dans la ville de Chicoloapan, ce fut la totalité de la population que l’on déporta ainsi.

Sans se laisser impressionner par la présence de l’armée, Chávez poursuivait son soulèvement. En avril, il écrit à Zalacosta : (...) Nous sommes encerclés par un bataillon. C’est sans importance. Vive le socialisme, vive la liberté ! (...) La révolte devenait vraiment sérieuse. A Mexico, la presse s’en alarmait : (..) Un certain López, à la tête d’une bande de vagabonds, s’est rendu maître de certaines villes du district de Chalco et a déclaré la guerre aux riches. Ils démembrent les terres des haciendas pour la répartir entre les Indiens (...).

Le 20 avril, Chávez publia un manifeste : A todas los oprimidos y pobres de Mexico y del Universo, imprimé à Puebla par Zalacosta. Dans ce manifeste, Chávez défend les buts de l’insurrection. Il dénonce l’exploitation des péons par les propriétaires terriens, le gouvernement et l’Eglise, le pillage des terres villageoises, l’esclavage pour les endettés et les taux journaliers misérablement bas des campesinos. Nous voulons le socialisme, annonce le manifeste, qui est la forme la plus parfaite d’une vie sociale en commun, la philosophie de la vérité et de la justice qui tout entière est contenue dans ces trois mots : Liberté, Egalité, Fraternité.
Nous voulons détruire radicalement l’État vicieux d’exploitation qui condamne certains à être pauvres et permet à d’autres de jouir des richesses et du bien-être. Qui fait de ceux qui travaillent de toutes leurs forces des misérables et de ceux qui ne font rien des gens heureux. Nous voulons une terre à ensemencer et à récolter paisiblement — abandonnant de ce fait le système d’exploitation —, donner la liberté à ceux qui sèment à l’endroit qui leur convient sans qu’ils aient à payer un tribut quelconque, leur donner la liberté de s’associer sous la forme qu’ils estiment la plus utile — formant ainsi de petites ou de grandes sociétés agricoles gardées en commun par eux-mêmes sans avoir recours à des hommes qui donnent des ordres et des punitions. Nous voulons abolir toute trace de tyrannie entre les hommes et vivre dans une société de fraternité et de mutualisme, et établir une République Universelle d’Harmonie
(...) Nous devons voir par-delà le présent et élever nos cœurs autour de la bannière sacrée de la révolution sociale. Cette bannière qui proclame du haut de la République : Abolissez le gouvernement et l’exploitation ! Considérons sereinement notre salut qui réside en nous-mêmes.

Cependant, Chávez fut appréhendé peu de temps après la parution du manifeste par des soldats fédéraux et conduit à Chalco. Délivré par ses camarades, il se replia sur le volcan d’Ixtlazihuatl où, regroupant à ses côtés un groupe de campesinos faiblement armés, il commença à préparer une insurrection générale. Avec un millier d’hommes et armé du manifeste, il se lança dans une attaque jouant le tout pour le tout. Les haciendas tombaient les unes après les autres et les péons se partageaient les terres.

Le 9 juin, les forces insurrectionnelles s’emparèrent d’une ville importante sur la route principale reliant Chalco à Puebla, San Martin Texmelucan, faisant fuir la garnison fédérale qui laissa ses armes derrière elle. Les cadastres municipaux furent brûlés et là encore la terre distribuée aux péons. Ils prirent la ville de Atotonilco puis Apizaco dans l’État du Tlaxcala où, là aussi, les registres furent détruits et la terre partagée. Après la prise de San Martin Texmelucan, une seconde colonne de cinquante révolutionnaires conduits par Anselmo Gómez partit vers l’est, pénétrant dans l’État de Veracruz et, le 11 juin, prit la ville de Chicontepec.

Les troupes d’insurgés comptaient alors plus de mille cinq cents hommes et s’avançaient vers la garnison fédérale d’Actopan dans l’État d’Hidalgo. Là, surpris par l’armée, ils furent défaits. Chávez et quelques autres s’en réchappèrent mais furent faits prisonniers le 7 juillet dans le village de San Nicolás del Monte. Ramené à Chalco, Juárez ordonna son exécution. Ses dernières paroles devant le peloton, dans la cour de l’Escuela Moderna y Libre, furent : Vive le socialisme.

Bien que l’insurrection de Chalco n’ait pas duré au total plus de sept mois, elle a été marquée du désir conscient des péons et des campesinos de prendre leurs destins entre leurs mains, de prendre la terre et de la travailler pour eux-mêmes. Avec la défaite de Chávez, les soldats de Cuéllar continuèrent leur règne de terreur dans la région de Chalco, recherchant activement les intellectuels coupables de l’Insurrection. Rhodakanaty fut arrêté à Huamanta et menacé d’exécution. Il fut libéré quelque temps plus tard. Zalacosta, dans une tentative de maintenir la rébellion, rejoint un groupe de campesinos armés dans l’État d’Hidalgo. Malgré tout, il finit par être arrêté et emprisonné lors de l’un de ses fréquents passages à Mexico fin 1870.

Fondation du Grand Cercle

Avec la montée désormais constante du mouvement ouvrier, Villanueva essaya à plusieurs reprises d’organiser un Congrès général du travail ; mais ses efforts n’aboutirent à rien, vraisemblablement à cause du manque de moyens financiers. Toutefois, début 1869, il forma le Círculo Proletario dont le but était de coordonner les activités, en particulier celles des usines textiles. Parmi les membres du Círculo on retrouvait Zalacosta, José María González, les coopérativistes Benito Castro, Pedro Ordóñez et le menuisier Ricardo Velatti. A la fin de la même année, Villanueva reçut une circulaire de l’AIT mentionnant les principes décidés par le congrès de Genève de 1866. Ceci raviva chez lui l’idée d’une organisation permanente de coordination et, en janvier 1870, le Círculo lança un appel à la formation d’un Centro General de los Trabajadores Organizados dans le but d’être à même de défendre plus efficacement les intérêts de la classe ouvrière.

Après huit mois de préparation, le Centro tint ses premières assises le 16 septembre et se définit comme Gran Círculo de Obreros de México. Zalacosta y fit un discours dénonçant sévèrement à la fois le réformisme de Cano et les libéraux coupables à ses yeux d’avoir été les bouchers de l’insurrection de Chalco. L’adhésion au Gran Círculo était ouverte à tous les ouvriers et aux organisations pour peu qu’ils ne soient pas membres de partis politiques et qu’ils refusent de reconnaître la légitimité de toutes formes de gouvernements autres que la commune locale (municipio libre). Adhérer signifiait déclarer être prêt à instaurer le socialisme par la révolution sociale.

Début 1871, Villanueva fut élu président du Gran Círculo et commença immédiatement une campagne pour en accroître l’influence. Bien que la tendance libertaire ait été majoritaire au moment de sa constitution, en réalité deux fractions distinctes étaient représentées au sein du Gran Círculo. D’un côté, les anarchistes qui attendaient du mouvement qu’il se batte pour une émancipation totale de la classe ouvrière, récusant toute alliance avec des partis politiques quoi qu’il advienne, et la réalisation de ses objectifs par l’action militante ouvrière. D’un autre côté, les modérés dirigés par Romero (qui était le vice-président) et Cano qui prêchaient en faveur de réformes sociales par le biais de l’action législative.

En mars 1871, La Social fut reformée dans le but de renforcer la position des éléments libertaires et radicaux au sein du Gran Círculo et de combattre les tentatives de Cano et Romero de désarmer le mouvement ouvrier par des réformes travaillistes venant « d’en haut ». Les membres de La Social comprenaient Rhodakanaty, Zalacosta, Castro, Ordóñez et Velatti, ces trois derniers étant envoyés comme délégués auprès du Gran Círculo. Dans son programme, La Social énonce clairement ses intentions : (...) L’abolition de tout système de gouvernement et la liberté pour tous les travailleurs manuels et intellectuels du monde (...).

Libertaires contre modérés

En juillet 1872, un coup sévère fut porté au mouvement libertaire mexicain avec la mort soudaine et inattendue de Santiago Villanueva à l’âge de trente-deux ans. C’est donc à Romero qu’échouait la présidence du Gran Círculo et, très vite, il en changea la politique concernant la collaboration avec les partis politiques, acceptant du nouveau président de la République, Lerdo de Tejada, une subvention mensuelle de 200 pesos. Avec les modérés à la tête du Gran Círculo, de nombreux ouvriers ainsi que des organisations entières se retirèrent et rejoignirent les Sociedades de Resistencia organisées par La Social.

Durant les quelques années qui suivirent, les libertaires continuèrent leur activité au sein du Gran Círculo bien qu’ils y fussent minoritaires. Leurs vues continuaient à être présentes dans le journal du mouvement El Socialista mais celui-ci, progressivement, changeait son aspect au diapason de la nouvelle direction. Il devint plus conservateur et, après 1872, il était rare qu’il soutienne les mouvements de grève. Il refusa même catégoriquement de défendre ouvertement une importante grève à l’usine textile de La Fama Montañesa.

En 1874, la minorité libertaire grâce aux efforts de Ricardo Velatti refonda la Sociedad Artística Industrial et commença à faire paraître son propre journal, El Obrero Internacional, sous la responsabilité de Miguel Sánchez de Tagle, membre actif de La Social. A la même époque, La Social fut temporairement dissoute et la Sociedad devint le centre de l’activité radicale. L’une des premières initiatives de la Sociedad fut de lancer un appel pour un congrès ouvrier socialiste international en Amérique, prenant pour principe que l’Internationale acquérait de l’importance aux Amériques. Malheureusement, cette initiative n’aboutit pas. Peu après, un groupe de camarades, très actifs au sein de La Social, lancèrent leur propre journal La Comuna, qui se réclamait des idées de la Commune de Paris. Malgré sa brève existence (seize numéros à 4 500 exemplaires entre juin et septembre 1874), La Comuna fut la première publication ouvertement anarchiste au Mexique.

Antonio Pellicer Paraire

A cette époque, l’arrivée d’exilés de la Commune de Paris, puis celle en 1873 de Carlos Sanz, ranima le mouvement ouvrier. Carlos Sanz était un anarchiste espagnol. Proche de Rafael Farga Pellicer, il fut l’orateur lors d’un meeting commémorant le deuxième anniversaire de la Commune de Paris où il donna lecture de lettres de Farga Pellicer et de Bakounine. Bien qu’on ne sache que peu de choses de lui, il est certain que Sanz à joué un rôle primordial dans le développement et la clarification des idées anarchistes, en particulier parmi les membres de La Social. L’année suivante, un typographe anarchiste espagnol, Antonio Pellicer Paraire, membre des débuts de l’Alliance de Bakounine et militant internationaliste actif, arriva à Mexico où il collabora avec les sections libertaires, avant de partir pour Cuba, puis pour les États-Unis, et finalement de retourner en Espagne.

La détérioration à un rythme quasi quotidien de la situation des ouvriers grossissait les rangs du Círculo et de la Sociedad, surtout de cette dernière d’ailleurs, et aboutit à une série de grèves massives. Déjà en 1872-1873, les mineurs des mines sous licence britannique de Real del Monte près de Pauchcu avaient fait six mois de grève après que leurs salaires aient été divisés par deux, passant de deux à un peso par jour... Bien que la grève ait été dans une certaine mesure un succès, en contrepartie de nombreux mineurs furent déportés à Campeche dans le Yucatàn, le sud tropical du Mexique. Après ces événements, les mineurs formèrent un réseau de résistance sur les bases de ceux organisés par La Social.

En janvier 1875, les ouvrières du textile de la vallée de Mexico cessèrent le travail pour revendiquer une hausse de salaire et la fin du service de nuit — dans les faits, une réduction de l’horaire nocturne de 15 à 12 heures. Dans cette affaire, la direction du Círculo n’intervint que comme médiateur entre le patronat et les salariés et non pas comme porte-parole de ces derniers. En mai de la même année, les chapeliers de Mexico menèrent avec succès une grève de deux mois pour de meilleurs gages. En juillet, les travailleurs de l’usine Hormiga se battirent un mois durant pour obtenir une réduction du temps de travail — de 12 à 11 heures par jour. Une grève dans la filature de San Ildefonso connut une fin tragique lorsque le gouvernement fit donner la troupe qui ouvrit le feu sur les grévistes, tuant un ouvrier.

En 1876, grâce en partie à Mata Rivera, éditeur du journal réformiste El Socialista, et du Círculo, l’idée de Villanueva de réunir un congrès national des travailleurs put se réaliser lors de la création du Congreso General Obrero de la República Mexicana dont la première réunion se tint le 5 mars dans la salle des congrès de la Sociedad Artística Industrial. Les manœuvres de Mata Rivera empêchèrent tout d’abord les militants anarchistes tels Rhodakanaty ou Zalacosta de participer au congrès sous prétexte qu’ils voulaient faire une Commune de Paris au Mexique. Il s’agissait aussi de priver les syndicats les plus libertaires, comme ceux de la chapellerie ou des couturiers, d’orateurs trop convaincants.

Bien que les anarchistes furent finalement admis à participer au congrès, il était trop tard pour qu’ils parviennent à imposer que des femmes puissent être déléguées par un syndicat. Les motions adoptées par le congrès, en grande partie inspirées par les réformistes, ne présentaient rien de bien radical et faisaient allusion à la protection sociale, à la création d’ateliers coopératifs, à l’instruction des ouvriers et à l’amélioration de la condition féminine en des termes aussi vagues que possible.

Voyant comment tournait le congrès, et sans attendre la résolution finale, Rhodakanaty et Zalacosta décidèrent que l’heure était venue de reformer La Social. La réunion de constitution se tint le 7 mai et le journal El Siglo XIX en fit le rapport en ces termes : (...) Un groupe important de travailleurs et de travailleuses s’est réuni dans le salon de la Sociedad Industrial qui était décoré de rouge pour l’occasion. Au fond de la salle trônait un portrait du célèbre agitateur Santiago Villanueva et, sur les côtés, les portraits des pétroleurs de la Commune de Paris. Du début à la fin, les orateurs ont fustigé à la fois le capitalisme et l’autorité en des termes des plus violents.

C’est Rhodakanaty qui fit le discours d’introduction, suivi par Zalacosta qui développa les buts de la nouvelle organisation : (...) Si La Social a dû être réorganisée, c’est parce qu’aujourd’hui nous avons besoin d’une force révolutionnaire. Contrairement à ce qu’annonce la presse réactionnaire, l’échec du Congrès des travailleurs n’est pas l’échec du socialisme mais l’échec des politiciens et des centralistes. Ce que nous voulons, c’est une révolution sociale (...)

A part Rhodakanaty et Zalacosta, se trouvaient parmi les membres de La Social : Evaristo Meza, A. Perez de León, J. Ibarra, Jesús Valadés, Manuela Ortega et Carmen Muerta. La Social fut donc représentée au congrès et y délégua cinq personnes dont deux femmes. Zalacosta représentait les chapeliers, et Jesús Valadés et Manuela Ortega les couturiers. Mata Rivera essayant une fois de plus de faire obstacle aux libertaires tenta de s’opposer à la participation de femmes aux débats. La tendance anti-autoritaire et ses partisans dans le débat qui s’ensuivit parvinrent à imposer leurs vues et c’est ainsi que, pour la première fois en Amérique latine, des femmes furent admises comme déléguées dans une organisation ouvrière.

La Social commença à organiser des conférences sur des sujets aussi variés que « Qu’est-ce que le socialisme ? », « Fédération et Centralisme », « Le socialisme politique et le socialisme libre », ou « Qu’est-ce que l’Internationale ? ».

La décevante conclusion du congrès déplaisait à de nombreux militants. Il y avait pour beaucoup un profond désaccord sur les buts et la tactique du Círculo. De nombreux membres contestaient le soutien financier du gouvernement, le discours conservateur d’El Socialismo et la constitution de syndicats d’entreprises sponsorisés par les patrons, en concertation avec les dirigeants du Círculo. C’est donc logiquement que le mois suivant, un nouveau journal d’inspiration libertaire fut fondé en concurrence d’El Socialista : El Hijo del Trabajo avec pour rédacteur en chef un ex-membre de La Social, José Muñuzuri. El Hijo prônait l’abstention aux élections et le fédéralisme, et dénonçait la collaboration avec les institutions contrôlées par l’État. En juillet, il remplaçait El Socialista comme organe officiel du Gran Círcula et devint au cours des années suivantes l’un des meilleurs moyens de diffusion des idées anti-autoritaires.

Mise en place du « système Díaz »

En dépit des efforts des anarchistes, la situation politique dans le pays en 1876 commençait à faire éclater l’unité du mouvement ouvrier en différentes fractions antagonistes. Cette situation était due en partie au conflit politique tripartite entre le président de la République, successeur de Juárez, Lerdo de Tejada, José Maria Iglesias et le général Porfirio Díaz.

Les réformistes du Círculo et leur journal soutenaient Lerdo et sa campagne de réélection. D’autres lui préféraient Iglesias pendant qu’un troisième groupe, de loin le plus nombreux, donnait sa préférence à Díaz, d’abord parce qu’il était un héros populaire et ensuite parce que séduit par ses promesses de réformes progressistes. Un quatrième groupe représenté par les anarchistes et El Hijo del Trabajo se refusait à toute participation à la politique nationale parce que, disaient-ils, ni les ouvriers ni les péons n’ont quoi que ce soit à y gagner, quel que soit le résultat final.

En novembre 1876, le débat trouva sa conclusion avec l’entrée du général Díaz dans Mexico à la tête de l’armée fédérale, après qu’il eut défait Lerdo lors d’une guerre civile brève mais sanglante. A ce moment, le Círculo n’existait déjà plus ; les lerdistes s’en étaient retirés, et les anarchistes le boycottaient à cause de ses tendances porfiristes. Quoi qu’il en soit, tous les espoirs de réformes sociales de la part de Díaz, qu’entretenait le reste des militants, devaient bien vite s’évanouir. Avec la mort virtuelle du Gran Círculo, La Social intensifia ses activités et put sans exagérer revendiquer soixante-deux sections professionnelles à travers tout le pays. En juillet 1878, la tendance lançait son propre journal, La Internacional, édité par Zalacosta. En dépit de sa courte durée, quatorze numéros hebdomadaires jusqu’en septembre, La Internacional peut être considéré, si l’on excepte La Comuna, comme le seul périodique mexicain réellement anarchiste au XIXe siècle. Les revendications de La Internacional étaient l’anarchie sociale, l’abolition de tout gouvernement et une révolution sociale. Chaque numéro comprenait le programme en douze points de l’Internationale dont la République universelle et sociale, une et indivisible, la liquidation des propriétés immobilières, la neutralisation du pouvoir d’exploitation que le capital a sur la force de travail et l’abolition du salariat. Parmi les rédacteurs, on retrouvait Rhodakanaty, Felix Riquelme, José Rico et Francisco Tijera. En plus d’articles sur la théorie libertaire, La Internacional fit beaucoup pour faire connaître les conditions de vie des péons et des Indiens, et en particulier l’affaire de l’expulsion de quelque six cents familles de terres communales par les propriétaires de l’hacienda de Las Boras, mesure contre laquelle Díaz intervint en personne. En prime, le journal faisait campagne pour une alliance internationale des mouvements ouvriers.

Le zapatiste Otilio Montaño, ancien élève de Rhodakanaty.

A l’automne 1878, après l’arrêt de La Internacional et la désagrégation du mouvement ouvrier urbain, Zalacosta était convaincu que la seule propagande efficace était l’action. Avec quelques camarades, il forma le Gran Comité Comunero dans le but de fomenter une révolution dans les campagnes. A la fin de l’année, il s’en revint à Chalco et réimprima le manifeste de Chavez López, et commença à organiser les campesinos. Très vite, ils furent des centaines de paysans au combat, menant bataille contre l’armée fédérale dans les États du nord-est : Morelos, Mexico, Querétaro et Hidalgo. Villes et haciendas telles que San Javier, Pachuca, La Concepción et Actopan furent attaquées, la terre distribuée aux familles des villages alentours. Zalacosta fut arrêté par l’armée fédérale près de Querétaro au cours de l’année 1880 et fut exécuté. L’insurrection se poursuivit néanmoins jusqu’en 1884.

En 1878, à l’initiative des anti-autoritaires, une nouvelle organisation se forma à Zacatecas au nord de Mexico qui prit le nom de Zacatecas Gran Círculo de Obreros. Une section fut bientôt montée dans la capitale avec pour intitulé le Premier Sucursal. Des activistes de La Social furent élus aux postes clés dans les deux groupes. C’était pourtant la période où la main de fer de Díaz commençait à se faire sentir. Une époque de pillages, de misère, de démoralisation, d’assassinats, de faillites, de malhonnêteté et de cynisme (...), comme le voyait El Hijo del Trabajo.

Nous devons voir par-delà le présent et élever nos cœurs autour de la bannière sacrée de la révolution sociale. Cette bannière qui proclame du haut de la République : Abolissez le gouvernement et l’exploitation ! Considérons sereinement notre salut qui réside en nous-mêmes.

C’est l’année où Díaz confisqua le local de la Sociedad Artística Industrial, initialement offert par Juárez, pour le laisser à ses partisans de la section locale du Círcula de Mexico, bien que cette organisation ait alors presque cessé toute activité. L’année suivante connut une vague d’arrestations politiques et, en juin, l’armée intervint dans une grève portuaire à Veracruz où, tirant dans la foule, elle fit neuf morts parmi les manifestants. La presse ouvrière menacée, ses rédacteurs (ceux d’El Hijo del Trabajo comme ceux d’El Socialista) furent contraints d’utiliser des pseudonymes de peur d’être emprisonnés ou attaqués.

Durant la campagne électorale des présidentielles de 1880, le Zacatecas Círculo, malgré les anarchistes, apporta son soutien au général Trinidad Garcia de la Cadena, dans l’espoir de sortir Díaz ; alors qu’El Hijo del Trabajo soutenait le candidat officiel choisi par le général González. Après cette volte-face, El Hijo cessa d’être un journal révolutionnaire.

descriptif

Envers et contre tous, les anarchistes continuaient à prôner l’abstentionnisme. La force qu’ils représentaient à cette époque peut se mesurer aux rassemblements qu’ils organisèrent en septembre et décembre 1879 dans le parc Colomb de Mexico. Ces rassemblements, initialement prévus pour présenter les nouveaux délégués du Congreso, tournèrent vite à un débat général sur la question de savoir si les anarchistes devaient collaborer ou non avec le Congreso si celui-ci entrait dans le jeu politique. Plus de cinq mille personnes assistèrent à ces meetings, nombreuses à arborer le drapeau noir et rouge et, au pied de l’estrade des orateurs, une immense banderole noire portait le sigle : La Social, Gran Liga Internacional del Jura. L’année suivante, les sympathisants de González et ceux de García de la Cadena se retirèrent du Congreso. Les libertaires y restèrent seuls quelque temps, parvenant même à augmenter le nombre d’adhérents. En 1881, le Congreso fut représenté au congrès socialiste-révolutionnaire de Londres par Nathan Ganz [2], après quoi l’organisation sombra dans l’oubli.

L’année précédente, Rhodakanaty était retourné à Chalco et avait essayé de rouvrir son école. Mais il dut essuyer l’opposition du gouverneur et des propriétaires des haciendas du coin. Découragé, il était revenu à Mexico ou il prit part quelque temps au comité de rédaction d’El Socialista, y apportant sa contribution pour des articles philosophiques. En 1886, il repartit pour l’Europe, où l’on perd sa trace [*].

A partir de 1882, toutes les organisations ouvrières avaient été soit supprimées, soit reprises en main par le gouvernement. Durant les quelque vingt années qui suivirent, les ouvriers et les péons furent plongés dans la misère et l’esclavage par ce qu’on a appelé le « système Díaz ».

Trad. de l’anglais : Vincent Tixier
Les intertitres sont de la rédaction (N.d.R.).

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[1lgnacio Comonfort (1812-1863), président du Mexique de 1855 à 1858 (N.d.R.).

[2A propos de Nathan Ganz, cf. photo parue dans Itinéraire n°4 et « The Mystery of Dr Nathan Ganz », H. Becker, in The Raven n°6, octobre 1988 (N.d.R.).

[*En fait Rhodakanaty est décédé le 2 février 1890 à Mexico. Note de Partage Noir