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Recomposition du panorama syndical toujours dominé par la FORA

lundi 3 juin 2019, par Alex Matin (CC by-nc-sa)

Les 25 et 26 septembre 1909 a lieu un nouveaux congrès d’unification syndicale, y participent 42 syndicats (ceux de l’UGT, quelques autonomes et 10, parmi les plus importants, de la FORA). La réunion débouche sur la création de la Confédération ouvrière argentine (CORA). La CORA adopte intégralement le pacte de la FORA - exception faite du paragraphe sur le communisme anarchiste. Les secrétariats comprennent des syndicalistes révolutionnaires, des socialistes et quelques anarchistes. Tous les syndicats de l’UGT et plusieurs autonomes rentrent à la CORA. Mais la FORA, lors d’une réunion le 30 octobre, se prononce contre la fusion et seuls quelques-uns de ses syndicats optent pour la CORA.

Entre temps, l’exécution de Francisco Ferrer a une grande répercussion en Argentine : tous les syndicats appellent à la grève générale les 16 et 17 octobre ; le 18, 20 000 personnes manifestent contre la monarchie espagnole à Buenos-Aires. Le 14 novembre 1909, le colonel Falcon, responsable de la répression lors de la « Semaine rouge » est assassiné par un jeune ouvrier anarchiste, Simon Radowitzsky. Les autorités profitent de cet acte individuel pour lancer une répression contre les mouvements anarchiste et socialiste : proclamation de l’état de siège de deux mois ; fermeture des locaux ouvriers, interdiction de la presse révolutionnaire, emprisonnement ou déportation de plusieurs centaines de militants... Alors que l’action revendicative avait été nulle pendant l’état de siège, à peine celui-ci est terminé que le mouvement ouvrier reprend pied.

Cinquante-six organisations participent au VIIIe congrès de la FORA qui se déroule du 23 au 25 avril 1910. On propose à toutes les organisations ouvrières d’adhérer à la FORA.

Pendant ce temps, une grève générale se prépare. En effet, le gouvernement s’apprête à célébrer le centenaire de la Révolution de Mai (25 mai 1810, elle marque le début de la route vers l’indépendance, finalement acquise le 9 juillet 1816). Début mai, la CORA d’abord, puis ensuite la FORA, appellent à une grève générale illimitée à partir du 18 mai pour demander l’abolition de la « loi de résidence », la liberté pour les militants ouvriers emprisonnés et une amnistie pour les déserteurs au service militaire. Pour les autorités, il n’en est pas question : le 13 mai, l’état de siège est proclamé. Les rédactions des quotidiens anarchistes La Protesta et La Batalla (nouveau quotidien du soir existant depuis mars) et de l’hebdomadaire Accion Socialista sont emprisonnés. Les locaux de ces journaux sont incendiés par des policiers et des groupes de patriotes, tout comme de nombreux locaux ouvriers. Des centaines de militants, dont les dirigeants de la FORA et de la CORA, sont déportés. La terreur répressive est efficace : la grève générale échoue, le mouvement ouvrier est à genoux et mettra plusieurs années à se relever, alors qu’en juin 1910 des nouvelles lois réactionnaires sont votées, les « lois de défense sociale », dont un article interdit l’entrée d’anarchistes en Argentine.

En février 1911, les grèves des ouvriers de la pierre de Tandil sont noyées dans le sang ; six mois plus tard, une grève des ouvriers de la Compagnie des eaux de Mar del Plata est durement réprimée : 1 mort, plusieurs blessés et de nombreuses arrestations. La répression étatique est à son maximum. La FORA est réduite à une vie végétative. Pourtant, début 1912, 40 000 ouvriers soutiennent des grèves un peu partout dans le pays, sans grand résultat. En même temps, les cheminots livrent un combat de deux mois pour obtenir une réglementation du travail, combat qui sera perdu à cause de l’intervention de l’État, qui avait mis ses troupes à la disposition des entreprises. En juillet 1912, le prolétariat rural des principales zones agricoles sort de son long sommeil et se met en grève pour protester contre l’extrême précarité de sa situation.