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FORA - De 1930 à aujourd’hui

lundi 10 juin 2019, par Alex Matin (CC by-nc-sa)

Alors qu’Uriburu laissa une certaine marge de manœuvre à la toute nouvelle CGT, il pourchassa implacablement le mouvement anarchiste. Il procéda, en vertu de la « loi de résidence », à une expulsion massive d’anarchistes immigrés. On compta plus de 12 000 prisonniers politiques, souvent libertaires, plusieurs centaines de déportés et plusieurs dizaines de fusillés. La FORA, ainsi que tous les journaux anarchistes, furent naturellement déclarés illégaux. Ce n’est qu’en 1932, lors de la levée de la loi martiale que l’on put apprécier l’ampleur de la répression : la FORA qui, avant le coup d’État, avait une centaine de syndicats affiliés et quelques 60 000 adhérents était réduite à une organisation comptant 24 syndicats. Et elle se désagrégera peu à peu, surtout sous les coups de la répression des dictatures militaires successives, mais aussi à cause de divisions dans le mouvement anarchiste. Et la FORA deviendra une organisation fantôme, laissant la voie ouverte à la CGT qui, en 1936, compte 260 000 adhérents. Pourtant, les anarcho-syndicalistes conserveront une influence importante dans plusieurs syndicats, et tout spécialement chez les dockers, les boulangers, les camionneurs, les travailleurs de la construction, les plombiers…

Dès 1931, les anarchistes étaient divisés entre ceux qui voulaient s’allier à la CGT contre Uriburu et les « foristes » qui voulaient garder la FORA, eux-mêmes divisés entre les partisans de La Protesta et ceux du conseil fédéral. En 1934, alors que les militaires lancent une nouvelle vague d’arrestations, une scission se produit lorsque le conseil fédéral qui avait été révoqué lors d’une assemblée refuse de démissionner. Plus tard, en 1958, il y aura 4, puis 3 FORA (toutes aussi groupusculaires) se réclamant toutes du Ve congrès et publiant chacune épisodiquement Organizacion Obrera l’organe de la FORA depuis 1901. Entre temps, depuis 1932, il existait un Comité de relations anarchistes et son journal, Accion Libertaria. En 1935, ce comité se transforme en Federacion Anarco Comunista Argentina (FACA). La Protesta ré-interdite en 1933, paraîtra pendant les périodes de liberté constitutionnelle.

Du côté de la CGT, les choses ne vont pas mieux. Bien que comptant 310 000 adhérents en 1940, les tensions internes la feront éclater en deux : la CGT n°1, très réformiste, et la CGT n°2 d’inspiration socialiste et communiste. En 1963 le colonel (puis général) Juan Peron, alors ministre du Travail, interdit cette dernière et place ses hommes à la tête de la première. Idole des ouvriers, Peron sera élu président de la République en 1946 et installera progressivement son régime fascistoïde jusqu’en 1955, date où il sera renversé par un coup d’État. Cette période, avec la CGT centrale unique acquise complètement à Peron, verra la naissance du syndicalisme para-étatique et sera aussi marquée par une nette augmentation des salaires réels.

Ce qui reste de la FORA essaiera de survivre. En 1946, 3 000 personnes assistent à sa manifestation du 1er Mai. Cette même année, elle impulsera une grande grève de boulangers, puis des dockers de la capitale et, le 28 octobre, elle lance une grève générale à Buenos-Aires qui dans certains quartiers sera bien suivie. Ce qui irrite Peron, qui va s’acharner à détruire ce qui restait de la FORA.

Aujourd’hui, la FORA n’est plus un syndicat actif mais plutôt une section de propagande. Toujours membre de l’AIT, où elle entre souvent en conflit avec des sections syndicalistes révolutionnaires qui voient derrière elle la main politique de l’anarchisme, la FORA est réapparue au grand jour en 1983 après la chute de la junte militaire en place depuis 1976 qui, lors de sa « lutte contre la subversion », fit disparaître 30 000 personnes. Malgré le fait que son existence soit interdite par la loi, qui ne reconnaît qu’un syndicat unique (la CGT), il existe un noyau foriste à Buenos-Aires et quelques liaisons en province, qui publient de temps en temps Organizacion Obrera organe de la FORA.

Parallèlement, le mouvement anarchiste argentin est en plein renouveau. Des dizaines de groupes se réorganisent, notamment autour de la Fédération libertaire argentine (FLA, qui publie un bimestriel, El Libertario) de la Bibliothèque populaire José-lngenieros, du Grupo Impulso Libertario, etc.

Le combat pour l’émancipation intégrale continue.