Entre temps, la FORA connaît quelques problèmes. Comme les autres organisations, elle est victime en 1925-1927 du faiblissement général que connaît le mouvement syndical, dû principalement au taux de chômage important (d’ailleurs, la FORA mènera une campagne pour la journée de 6 heures, pour y faire face). Mais la FORA doit aussi faire face à des problèmes internes : depuis quelques mois faisait rage une dispute entre les deux principaux journaux anarchistes, La Protesta et La Antorcha. La Protesta accusait l’autre journal de s’être engagé sur la mauvaise voie, d’être improductif et de ne chercher qu’à lui faire la guerre. En septembre 1924, quelques délégués de la FORA adoptent une motion excluant de la FORA tout membre répondant aux tendances de La Antorcha, Ideas et Pampa Libre (deux publications pro-Antorcha) et demande à ses adhérents de boycotter ces 3 journaux. Bien que cette décision, qui sera plus tard qualifiée de « grave erreur » restera heureusement sans effet, elle démontre une certaine tendance à la bureaucratisation, au sein même de la FORA comme dans ses relations avec les ouvriers.
Par exemple, l’abandon des congrès annuels est très significatif. Ainsi, le IXe congrès s’est tenu 13 ans après le VIIIe et le Xe congrès aura lieu 5 ans après le IXe. Cette absence de congrès (souvent remplacés par des « referendums »), non seulement favorise la formation d’une certaine bureaucratie, mais empêche le renouveau, l’élaboration d’idées nouvelles. Un autre indice important se trouve dans les documents de la fin des années 20 : dans le rapport d’activité de 1929, on distingue les mouvements « sous l’entière responsabilité » de la FORA de ceux qui sont seulement contrôlés par elle, et on dénigre ceux que ne sont pas « aux mains » de la fédération. Plus tard, on regrettera ces faits, mais ils eurent sûrement leur importance dans le déclin de la FORA. Pourtant, furent-ils cause ou conséquence ?
Pendant les années 1927-1930, la FORA va lancer de coûteuses et intenses campagnes d’agitation (dont celle pour la libération de Radowitzky, qui sera finalement libéré en 1930) et va participer à de nombreux mouvements de grève, surtout en 1929 où une série de grèves va frapper le pays : pendant le premier semestre, les dockers, les boulangers, puis les travailleurs de la construction soutiennent des luttes assez dures à Buenos Aires et à Bahia Blanca ; en juillet, une grève des dockers se transforme en grève générale à Rosario ; pendant la même période, la police arrête 400 grévistes de General Motors, en grève depuis 10 mois.
Des délégués de 99 syndicats assistent, du 11 mai au 16 août, au Xe congrès d’une FORA diminuée. Ce congrès, peu avant le coup d’État d’Uriburu sera le dernier grand congrès anarcho-syndicaliste en Argentine, et dans un certain sens marque la fin d’une époque. Après avoir envoyé un salut aux prisonniers pour questions sociales, on décide, par une courte majorité, de supprimer le boycott comme moyen de lutte. Les délégués prennent aussi position contre la limitation de l’immigration et décident de mieux faire connaître la FORA aux immigrés. On commence aussi à préparer le congrès de tous les anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires du continent américain qui aura lieu en mai 1929 à Buenos-Aires et qui débouchera sur la fondation de l’ACAT (Association continentale américaine des travailleurs).
Du côté de l’USA et de la COA, on recommençait à parler de fusion : en mars 1929 sont jetées les bases qui, le 27 septembre 1930, donneront naissance à la CGT (Confederacion General del Trabajo). Mais juste quelques jours auparavant - le 6 septembre - avait lieu le coup d’État du général Uriburu qui, en renversant le gouvernement constitutionnel d’lrigoyen, ouvrit la longue période noire de l’histoire argentine. La loi martiale fut installée.