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Pierre Ramus : La préparation à la guerre sans la résistance du peuple - Pourquoi ?

lundi 22 août 2022, par Pierre Ramus (CC by-nc-sa)

Ce texte de Ramus est tiré de la Brochure mensuelle n°154, Paris octobre 1935. Il commence par une description de la préparation à la guerre qui se fait dans tous les pays et de la montée de l’hitlérisme. Nous avons supprimé certains passages qui sont devenus inactuels.

Conférence de Pierre Ramus, Graz 1931.

Le danger de guerre devient de plus en plus menaçant. Cela nous pose la question : Quelles sont les mesures qui pourraient éviter que la guerre éclate en empêchant la préparation à la guerre ? Où sont les grandes organisations qui s’opposent à la course aux armements de tous côtés ? Où est ce grand mouvement de la paix qui s’oppose à la guerre et à sa préparation (sans laquelle toute guerre est impossible) ?

Le mouvement pacifiste de notre époque se compose des tendances suivantes :

1. Les pacifistes de gouvernement, les hommes d’État et politiciens qui prétendent travailler pour la paix.
2. Les pacifistes bourgeois de la démocratie et du libéralisme.
3. Les partis politiques dits ouvriers, socialistes, bolchévistes, etc.
4. Les mouvements syndicaux qui suivent les précédents.
5. La « Ligue mondiale pour la suppression de la guerre », fondée par Henri Delmont.
6. La Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.
7. La Ligue internationale pour le rapprochement des peuples.
8. L’Association internationale antimilitariste.
9. L’Internationale des résistants à la guerre.

Cette liste ne prétend pas être complète, mais elle est assez large et il convient d’examiner l’activité actuelle de toutes ces organisations.

Celles nommées aux paragraphes 1. et 2. s’appuient surtout sur la « Société des Nations » et le « Pacte Kellogg ». Leur œuvre pour la paix est identique à l’action pacifiste de l’Eglise ; elles militent et sont adhérentes de l’idée de paix aussi longtemps que la guerre n’a pas éclaté. Le cas échéant, elles s’associent au parti guerrier sous le prétexte d’une « nécessité insurmontable ». D’ailleurs, ces gens sont en grande partie intéressés eux-mêmes à la victoire de leur gouvernement, ayant des positions au gouvernement et, secrète­ment, la plupart d’entre eux sont actionnaires de l’industrie inter­nationale d’armements.

(...)

Voyons maintenant les partis politiques dits ouvriers. Leurs-chefs sont dans les divers parlements. En leur qualité de parlementaires, ils ont juré à l’État de le secourir dans tout danger, c’est-à-dire qu’ils sont obligés, en cas de guerre, de prendre parti pour l’État, de faire comprendre au peuple par des phrases nationales et patrio­tiques la nécessité de la défense du pays.

D’ailleurs, socialistes et bolchévistes savent très bien qu’eux aussi ; auront besoin d’une armée au moment où ils auront pris le pouvoir, surtout pour abattre le mécontentement populaire. Le bolchévisme russe en donne un exemple frappant et classique. Son militarisme gigantesque a été organisé d’abord pour asservir le peuple russe, pour l’exploiter et le tenir dans l’oppression. Il en résulte une organisation armée prête à la guerre, quoique les dictateurs bolché­viques connaissent fort bien les moyens de l’antimilitarisme pour désarmer tous les gouvernements bourgeois et ainsi rendre impossible toute guerre. Mais le marxisme veut être aussi un État avec grand pouvoir ; c’est pourquoi son action n’a pas le caractère destructif de l’anarchisme ; il ne sait qu’imiter le militarisme bour­geois en menant le malheureux peuple russe à la ruine par la guerre, de la même façon qu’Hitler le fait avec le peuple allemand.

Il appartient à la tragi-comédie de notre temps de voir que deux États qui se disent « socialistes » forment actuellement le front de guerre le plus acharné. Entre le national-socialisme et le bolché­visme, il n’y a qu’une différence de mots ; en vérité, ce sont deux rivaux qui luttent pour la suprématie nationale. Le tragique, c’est que les peuples des deux côtés croient combattre pour leurs propres intérêts. Dans les coulisses, les deux groupes dirigeants appartien­nent au même Trust international des armements...

En ce qui concerne le mouvement syndical dans le combat pour la paix, il n’a pas de valeur, car ce mouvement se contente des combats journaliers pour les salaires (si encore il le fait...) et pour une amélioration minime dans le système capitaliste et monopo­liste. Le combat contre la guerre, il le laisse aux partis politiques, comme actuellement en Angleterre, ou comme autrefois en Italie, en Allemagne et en Autriche.

La Ligue internationale syndicale (Amsterdam) a bien pris en 1922 de très bonnes résolutions pour une action directe et la grève générale contre la guerre, mais elles sont restées platoniques. Pour avoir une valeur pratique, on aurait dû se tourner contre l’industrie des armements afin de rendre impossible la préparation à la guerre. On ne tarda pas à oublier les anciennes résolutions antimilitaristes car, ce que l’on n’exerce pas, on ne le retient pas...

Le mouvement syndical mène un combat économique si difficile pour pouvoir garder au moins un niveau de salaires moyen que son action sociale a été refoulée par les difficultés de l’existence économique, et que le renversement du système lui est devenu impossible.

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En ce qui concerne le Mouvement international de la réconciliation, nous regrettons que cette organisation de paix qui base son travail sur un fond éthique chrétien n’ose pas suivre l’effet jusqu’à la cause et s’attaquer à l’État.

C’est pourquoi la propagande de cette organisation ne peut être efficace pour la paix. Elle ressemble à toutes les Eglises, qui toutes « veulent la paix » et s’affichent contre toute guerre, mais qui ne disent jamais aux croyants de refuser le service militaire, ni de faire objection, au nom de la parole du Christ, aux obligations meurtrières que ce service admet.

Il n’y a que l’Association internationale antimilitariste et l’Inter­nationale des résistants à la guerre qui fassent la propagande de l’action directe contre les gouvernements, l’industrie des armements et le militarisme en tout —ces trois maux sont combattus encore efficacement par l’Internationale anarchiste. Les principes propagés par ces organisations pourraient empêcher toute guerre.

Malheureusement, ce sont justement ces organisations pour le com­bat pour la paix qui sont faibles puisqu’elles n’ont jamais eu l’aide des autres mouvements « pacifistes ». Les idées de l’action directe et du sabotage de la préparation à la guerre, de la production d’armements, n’ont pas encore pu atteindre les masses.

C’est surtout l’empêchement de la guerre qui est d’une importance primordiale. Une action après que la guerre a éclaté vient trop tard. Ce que l’on n’a pas fait contre la préparation à la guerre, on ne pourra pas le rattraper après.

Si l’État a pu déclencher une guerre, la résistance arrivera trop tard ; non qu’il ne s’agisse plus à ce moment de faire des actions antimilitaristes, mais ce seront des actions aux moindres chances de réussite.

 

L’autorité, l’État et le combat contre la guerre

Comment se fait-il qu’actuellement toutes les organisations de paix soient sans aucune influence sur le peuple, au moment où leur activité serait de la plus haute importance ?

La réponse à cette question peut faire voir les fautes commises dans le passé pour les éviter à présent et pour sauver pour l’avenir ce qui est encore à sauver.

Runham Brown

Cette question préoccupe Runham Brown, le secrétaire de l’inter­nationale des résistants à la guerre, dans un article intitulé « Com­ment faut-il résister à la guerre ? » publié dans l’hebdomadaire belge le Rouge et le Noir ( 6 mars 1935). Il y expose les consi­dérations éminentes suivantes :

La puissance de résistance contre la guerre se trouve dans l’idée. Le danger de la guerre est la croyance en des idées fausses. La puissance de pouvoir empêcher la guerre est dans la croyance en une idée juste. Cette idée ne doit pas seulement être prêchée par des mots ; elle doit être exercée dans la vie, dans la pratique. Cinquante pour cent de tous les soldats du monde préféreraient refuser le service militaire s’ils osaient...

Le mot de révolution fait peur à la plupart des gens. Ils voient en pensant à ce mot des barricades dans les rues, des ouvriers armés de cannes, de pierres et d’armes essayant de tenir contre les mitrailleuses et tombant à la fin —c’est-à-dire une inutilité sanglante, qui n’aboutit à rien… Mais la révolution pour laquelle le réfractaire à la guerre combat ne se fait pas d’une telle manière. Quand même elle ne sera faite que par la rébellion, c’est-à-dire par le refus personnel et par la résistance passive contre l’autorité.

Dans ces mots se trouve le point essentiel du problème entier, dont la solution va nous montrer comment il se fait que nous voyons une préparation gigantesque à la guerre sans la résistance des peuples. Pour la première fois, un pacifiste reconnaît que le refus de la discipline et la résistance passive contre l’autorité de l’État sont la question essentielle pour le combat contre la guerre. C’est un fait nouveau dans le mouvement pacifiste : jusqu’à main­tenant, il n’y avait que l’anarchisme qui avait constaté et prouvé cela. Jamais auparavant le pacifisme n’a voulu reconnaître que la lutte contre la guerre n’est qu’une grimace sans la lutte contre le principe d’autorité.

Presque tous les pacifistes ont la fausse opinion qu’on pourrait combattre la guerre sans attaquer l’État, et ils s’adressent aux gouvernements pour qu’ils abolissent le militarisme en méconnais­sant le fait que l’État représente l’autorité et le militarisme, que la guerre n’est qu’une question de conservation de soi-même.

Il faut dès maintenant bien comprendre : C’est cette erreur des pacifistes envers le principe d’État qui est la déplorable cause du fait que les gouvernements peuvent préparer la guerre sans se heurter à la résistance du peuple.

Les pacifistes ont méconnu l’État et le principe d’autorité. Ils n’ont pas compris que la guerre n’est pas un caractère isolé de l’État mais un moyen dont dispose l’État pour garder sa souveraineté dans tous les autres domaines de la vie.

Runham Brown a bien raison de dire que 50% de tous les soldats n’osent pas refuser le service ; moi, je peux dire à juste titre aussi que 90% de tous les pacifistes n’osent pas s’opposer à l’autorité de l’État. Comment le demander aux masses populaires ? Les pacifistes n’ont rien fait pour libérer l’esprit du peuple de sa foi en l’État. On ne peut pas combattre une chose qu’on considère d’autre part comme une déesse supérieure qui doit apporter le salut…

La plupart des pacifistes reconnaissent l’État comme une sainte nécessité pour la sauvegarde individuelle dans la vie, tandis que l’État n’est pas du tout une nécessité pour le maintien de l’ordre dans la société ; l’État n’est pas du tout une sauvegarde de la vie et du bien de l’individu, bien au contraire. Mais on ne peut pas reconnaître la nécessité de l’État en temps de « paix » et vouloir refuser à ce même principe qu’on croit bon le secours au moment où ce principe est attaqué et en danger… Ce n’est pas logique et cela ne peut pas être compris par les masses. Les pacifistes eux­-mêmes renoncent souvent à leur pacifisme en reconnaissant les raisons de l’État et la nécessité d’une « défense du pays ». C’est logique, car on ne peut pas nier que celui qui reconnaît la nécessité de l’État pour la société doive reconnaître aussi que l’État est la sauvegarde de la défense de la Nation, de la Patrie dans le sens des gouvernants. C’est pourquoi, par cette erreur fondamentale, le navire de l’idée de paix chavire.

Il n’y a que l’anarchisme qui puisse nier avec logique tout natio­nalisme et la défense de la nation en niant l’autorité et l’État en soi. Les décisions dans les conflits des gouvernements ne l’intéressent qu’indirectement, et les anarchistes réservent leurs forces pour combattre les causes de la guerre, sans les gaspiller au service de l’un ou de l’autre gouvernement.

Les pacifistes qui ne nient pas et ne combattent pas le principe d’autorité en soi comme l’auteur de tous les maux se tuent eux­-mêmes. Ils n’apprennent pas aux masses à voir le mal dans l’auto­rité. Comment alors ces masses peuvent-elles en cas de guerre refuser la discipline et faire une résistance passive ?

C’est aussi dans ce fait que repose la victoire du fascisme partout. Pendant des dizaines d’années, le marxisme a inculqué aux ouvriers la nécessité de l’État, la nécessité de prendre le pouvoir, et même de la dictature et de la supériorité de la centralisation, politique, économique et spirituelle. Le fascisme en a tiré les conséquences. Les peuples se plient devant la violence des dictateurs fascistes parce qu’ils n’ont rien appris d’autre des chefs de leurs partis.

Et pour cette même raison il n’y a pas de grande et forte organi­sation des masses qui combattrait la préparation à la guerre des gouvernements divers, qui s’élèverait activement contre leur auto­rité. Le manque d’un grand mouvement anarchiste soutenu par le pacifisme prend sa terrible revanche.

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Tolstoï

Avec Tolstoï et d’autres je nie la collaboration pacifique de plu­sieurs gouvernements démocratiques ; Tolstoï aussi nous a montré du point de vue chrétien que la base de tout État est la violence. Même la sociologie des universités a dû le reconnaître (Gumplowocz, Rutzenhofer, Oppenheimer et d’autres) [1]. Nous voyons ainsi que tous les gouvernements préparent leurs sujets à la guerre ; seule­ment, les uns le font pour la guerre, les autres pour la paix... Tous les gouvernements trompent leurs sujets de la même façon en disant que la guerre est menée pour la défense du pays, de la vie de son peuple, etc.

li est vrai que l’objection de conscience au service militaire veut dire un sacrifice, même souvent la mort. Mais marcher à la guerre, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est aussi la mutilation, la mort… Pourquoi ne pas se sacrifier plutôt pour l’idée de la Paix ?

Je ne veux inciter personne à faire une action à laquelle il n’est pas poussé lui-même par sa conscience, mais on ne peut pas nier que quelques milliers d’objecteurs seulement ne peuvent être exé­cutés sans que le peuple se révolte. Et même la mort, n’est-elle pas meilleure et plus honorable pour la paix que pour le principe néfaste et affreux de la guerre ?

Et puis, l’objection peut se manifester non seulement par le refus direct, mais aussi dans l’armée même, aussi longtemps qu’elle pour­suit son principe antimilitariste et anti-guerrier. Les Grecs étaient le plus à craindre lorsqu’ils se trouvaient dans le cheval de Troie…

Mais la seule action conséquente du pacifiste est le refus individuel, soit-il ouvert ou caché. C’est aussi le seul qui puisse se manifester sans la grande masse ; ce n’est pas important que nous ne puis­sions empêcher la guerre —il suffit pour les pacifistes de n’avoir rien à se reprocher, d’avoir fait tout ce qu’ils pouvaient pour ne pas faire partie eux-mêmes de la guerre. En ce qui concerne ceux qui sont enthousiasmés et qui se plient, on pourrait discuter s’ils ne tombent pas sous la loi de la sélection en ouvrant la voie à un développement plus pacifique.

Bertrand Russell

Est-ce que l’objection est vraiment un affaiblissement de la force de résistance parmi les peuples démocratiques et plus « libertaires » « dans cette partie du monde qui n’est pas encore folle » ? Le professeur Einstein [2] devrait nous prouver que la guerre qui éclatera sera des deux côtés autre chose que la démence et la folie. Nous croyons qu’il vaut mieux continuer à dire avec Bertrand Russell ; Aucun des maux qu’on veut éviter par la guerre n’est pire que la guerre elle-même.

En ce qui concerne la proposition du professeur Einstein de mettre à la place de l’objection à la guerre le rapprochement des gouver­nements et des pays qui veulent un progrès pacifique contre un État ou plusieurs qui veulent la guerre et vont à l’attaque, c’est notamment le point de vue des gouvernements réunis dans la SDN. Mais ce point de vue est faux, car la guerre est une loi de survie pour l’État à des intervalles réguliers, ce qui est prouvé depuis longtemps par la sociologie. Dans toute l’histoire, nous ne trouvons pas un seul État qui aurait pu tenir sans guerres. Chaque gou­vernement veut le « progrès pacifique » aussi longtemps qu’il est avantageux ; une guerre lui promettant plus, c’est l’État qui la fait.

Cette opinion naïve du « progrès pacifique » parmi lés gouverne­ments est réfutée aussi par le fait qu’il n’y a pas un seul gou­vernement qui désarmerait volontairement.

Même les États « désarmés » comme l’Allemagne, la Hongrie, etc., ont toujours gardé un petit reste d’armements qui ont été accordés par les traités. Et au lieu de désarmer entièrement pour ôter tout prétexte aux autres gouvernements d’une nécessité d’armement, ils se sont efforcés d’obtenir « égalité des droits ». Ils rendent ainsi un double service : d’un côté à l’industrie des armements de leur propre pays, en même temps qu’à celle des autres pays —au fond, c’est une haute trahison du peuple, du pays, de la paix…

Ainsi nous devons dire : l’objection et la résistance à la guerre forment un principe qui vaut envers tous les gouvernements.

La vie du peuple, le pays d’un peuple ne peuvent pas être sauve­gardés par la guerre, et à l’État qui demande la vie du peuple il doit être répondu par le refus et la résistance à la guerre. Mais qui pourra rester fidèle à ce principe ?

Seul l’homme qui comprend qu’une institution —l’État— qui organise le crime le plus redoutable, la guerre, ne pourra jamais garantir une société pacifique, juste et digne.

Il n’y a donc que l’anarchiste qui soit le pacifiste conséquent.

Dans la politique et la société, c’est toujours l’État qui met la paix en danger, parce que les intérêts de l’État forment des pré­textes à des conflits si grands qu’ils mènent forcément la guerre.

Toutes les guerres des temps modernes ont des causes communes : le désir de puissance de l’autorité et le désir d’exploitation des monopoles. L’État ne peut garantir que jusqu’à un certain point limité la paix dans la vie sociale. Aussitôt que les profits et la puissance de l’État sont en jeu, il n’y a plus qu’un seul principe qui règne : la violence, la supériorité du plus fort.

Le maintien de cet État monopoliste capitaliste n’est possible que par la création d’institutions militaires. Le militarisme n’est pas seulement une force improductive, mais c’est aussi un facteur éco­nomique pour le capitalisme, car le militarisme a besoin de produits et pouvoir les fournir donne lieu à une participation importante au système monopoliste, à ses possibilités d’enrichissement. Enlever au capitalisme ces débouchés équivaut à mettre en danger le système capitaliste, ce qu’il ne peut pas supporter à la longue.

L’autorité, le monopolisme, le militarisme, ce sont les bases de l’État. L’anarchiste reconnaît ces bases dans toute société fondée sur la violence et c’est pourquoi son pacifisme ne peut jamais se décider pour une guerre qui serait en faveur de tel ou tel gou­vernement. Pour un anarchiste, l’occupation de son pays par une autre nation vaut mieux que la bestialité d’une guerre ; aucun gouvernement ennemi ne peut être aussi oppresseur, aussi meurtrier que le champ de bataille, la guerre…

C’est pourquoi seul l’anarchiste peut refuser la guerre en toutes circonstances ; celui qui reconnaît l’État comme base de la société doit reconnaître aussi la guerre qui n’est que la lutte d’un État pour se maintenir sous sa forme nationale et politique.

Aussi longtemps que le pacifisme ne voudra pas comprendre cette vérité, il restera vaincu. Seul le pacifisme qui ne comprend qu’une. institution dont la vie historique comporte la guerre en soi et ne peut jamais sous aucune forme garantir la paix, seul ce pacifisme pourra enflammer les peuples pour qu’ils se refusent à toute « guerre nécessaire ».

Seul un peuple qui ne croit plus en l’État, qui ne lui obéit plus, pourra résister à la guerre en rendant impossible sa préparation.

Voir en ligne : La Brochure mensuelle n°154, Paris octobre 1935.


[1Et, pour citer un sociologue plus connu, Max Weber : L’État ne se laisse définir sociologiquement que par le moyen spécifique qui lui est propre, ainsi qu’à tout autre groupement politique, à savoir la violence
physique.
(Le savant et le politique).

[2Dont Ramus a exposé plus haut la théorie du « pacifisme relatif ».