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Les Hommes du jour n°18

Sébastien Faure (1858-1942) [6]

vendredi 20 décembre 2019, par Victor Méric - Flax (Domaine public)

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Nous sommes obligés de nous résumer. Il nous faudrait plusieurs pages pour suivre pas à pas le jeune croyant, serviteur du Christ, devenu un apôtre de la Liberté et de l’Humanité. Avant de l’abandonner, pourtant, et de jeter un coup d’œil sur le mouvement anarchiste, dans son ensemble, notons un côté curieux de son caractère.

En même temps qu’il est un apôtre, Sébastien Faure est également un méthodique. Ce n’est pas le moins du monde l’agité, le destructeur, le brouillon qu’on se plaît à imaginer. C’est en toute connaissance de cause, après avoir longuement pesé le pour et le contre, après avoir minutieusement examiné toutes les raisons qu’il s’est décidé à l’apostolat auquel il a voué sa vie entière. Et cet apostolat, il y a consenti et il l’a abordé en homme pratique. Ici je copie Zévaco, le seul biographe consciencieux de Faure : Par une heureuse combinaison de ce qu’on pourrait appeler la chimie de l’âme, ce passionné que mène, dirait-on, un vent de tempête, qui apparaît comme un destructeur tourbillonnant au gré d’irrésistibles impulsions, est un cerveau d’une trempe exceptionnelle, un esprit d’un positivisme solide, d’une logique outrancière, un calculateur d’une rare sagacité, n’abandonnant aucune chance à l’imprévu, préparant une propagande comme un théorème géométrique, marchant à une conférence comme à une bataille où il ne se croit permis d’espérer le triomphe qu’après avoir combiné, cherché, assuré jusque dans les infimes détails de publicité et d’affichage tous les déments de succès.

Tel est l’homme, en effet, épris d’idéal, cour généreux, assoiffé d’absolu et, en même temps, positif, méthodique, raisonneur. Ajoutons qu’il est plus qu’orateur, mieux que tribun il ne convainc pas, il ne fouette pas son public, il ne déchaîne pas les colères ; il charme tout simplement : la douceur de sa voix, l’ingéniosité de ses images, sa méthode démonstrative rigoureuse, tout cet ensemble de qualités et même de défauts qui font l’artiste de la tribune, lui valent, dès les premiers mots, la sympathie des auditeurs. Mais, hélas, faut-il l’ajouter, l’impression produite n’est que passagère. On admire, on applaudit, on goûte l’artiste ; on ne le suit pas. Et si quelquefois, Sébastien Faure a su éveiller des consciences, susciter des enthousiasmes, il n’a jamais pu trouver les formules nécessaires, satisfaisantes, qui déterminent une vie, bouleversent une société, créent un monde nouveau.

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