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Les hommes du jour - Tolstoï

dimanche 4 septembre 2022, par Victor Méric - Flax (CC by-nc-sa)

C’est la semaine russe. Après le grand conteur Maxime Gorki et le révolté Kropotkine, après cette figure sinistre et repoussante de bourreau, le tzar Nicolas II, que l’actualité désobligeante nous a mis en demeure de saisir, voici le puissant écrivain dont l’ombre immense se projette sur le monde entier et dont les moindres paroles se répercutent intensément dans les esprits et dans les cœurs. Il nous a paru intéressant d’opposer ces physionomies, curieuses à des titres différents, diverses et opposées, en qui se résume toute la Russie contemporaine. Les poètes et les héros de la révolte d’abord, le despotisme grimaçant et barbare ensuite, et maintenant, entre le tyran et le serf qui se rebelle, entre le tortionnaire et la victime, l’apôtre doucereux, puissamment suggestif, éloquemment persuasif de la Résignation, cette doctrine de néant et de mort.

Car Tolstoï apparaît avant tout comme le grand Résigné. Au sein de cette nation fruste où les adversaires du tsarisme luttent implacablement contre un régime féroce ; où de chaque côté de la barricade, les uns et les autres jouent leur vie et leur liberté ; où la bataille sociale revêt des formes de cruauté et de dévouement intrépide, telles qu’on n’a jamais pu les observer ailleurs, cet écrivain magnifique et fécond, venant se jeter dans la bagarre pour crier aux combattants des paroles de paix et jeter l’anathème sur les violences, c’est là un spectacle dépourvu de banalité. L’auteur de Résurrection choisit bien son moment pour prêcher un évangélisne enfantin et se faire le champion d’une morale singulièrement périmée, en désaccord formel avec toutes les lois sociales de l’époque. Par là, il s’est fait, inconsciemment, l’auxiliaire précieux du tsarisme qui ne demande pas mieux, certes, que d’avoir devant lui des troupeaux de moutons, bêlants, dociles aux commandements et ne regimbant pas sous les coups. Et si l’on songe à cette faculté géniale d’évocation qui caractérise l’écrivain, à ce style à la fois naïf et subtil, étrangement vivant, fait de clarté, de souplesse et d’une harmonie que nulle traduction ne sait rendre, on mesurera la profondeur du mal que Tolstoï aurait pu faire si ses compatriotes tout en s’inclinant devant le poète et le romancier ne s’étaient dérobés aux exhortations du moraliste.

La doctrine de Tolstoï est toute de paix, de douceur et d’avachissement. Anti-scientifique, il se prononce contre le progrès et commande le retour à la nature. Il dénonce l’art pour l’art, ne voit dans la littérature qu’un moyen d’évangélisation et manifeste pour la vie un dédain qui va jusqu’au renoncement total aux biens d’ici-bas. Doctrine funeste aux effets terriblement déprimants et si peu en harmonie avec les aspirations d’un siècle de lutte, de travail et de révolte. Cette façon de concevoir la vie, dont il a cherché longtemps le sens, a conduit Tolstoï à énoncer des jugements qui sont du pur radotage. Nous trouvons dans un auteur anglais, cette codification amusante des idées tolstoïennes qui donne bien l’essentiel de la doctrine :

Préceptes : NE RÉSISTEZ PAS AU MAL (Matthieu, V, 39.)
Ce qui signifie ; a) pas de gouvernement, pas d’armée, pas de guerre, pas de patriotisme, pas de violence, pas de tribunaux ; — b) pas de serments ; — c) pas de colère.

NE SOYEZ PAS APPELS MAITRES. (Matt, XXIII, 10. 11.)
Ce qui signifie : pas de distinctions de classes, pas de serviteurs, chaque homme doit faire son travail propre.

QUICONQUE REGARDE UNE FEMME AVEC ENVIE A DEJÀ COMMIS DANS SON CŒUR LE PÉCHÉ D’ADULTÈRE (Matt, V, 28)
D’où : a) pas de fornication ; — b) pas de mariage ; — c) pas de rapports dans le mariage ; — d) célibat ; — e) pas de viandes, de boissons intoxicantes et de tabac, etc., etc.

Voilà, au fond, quelles pénibles niaiseries cet écrivain qui compte parmi les premiers du siècle, et nous a prodigué tant d’œuvres admirables, s’est donné pour tâche de faire admettre aux hommes qui l’écoutent. Heureusement pour lui, la postérité oubliera le patriarche radoteur de Iasnaïa-Poliavna et ce qu’on a qualifié trop promptement de philosophie pour ne retenir que l’artiste qu’il est demeuré malgré tout, mais que l’artiste suprêmement vivant, sensible et créateur, dont l’œuvre, marquée pour l’éternité, vous étreint et vous émeut irrésistiblement.

Nous ferons, ma foi, comme la postérité et nous laisserons le moraliste haïssable pour expertiser le littérateur qui toujours domine dans le christomane. On peut dire de Tolstoï qu’il est un des romanciers du siècle le plus foncièrement humain et le plus étrangement évocateur. Très proche de nos naturalistes ; dont il complète les procédés par un don de psychologie qui n’appartient guère qu’à lui, l’auteur d’Anna Karénine nous a offert des types dessinés d’un trait délicat mais sûr, avec leur visage, leur costume, leurs habitudes, leurs manies, leurs tares. Et tous ses personnages en même temps qu’ils s’agitent et vivent animalement, pensent, rêvent, souffrent, aiment, agissent, raisonnent. Les foules aussi se meuvent comme les individus. Nul romancier avant Tolstoï n’a donné à ses personnages une telle totalité de vie. Tolstoï, en même temps qu’il se fait un observateur méticuleux et note patiemment jusqu’aux moindres détails, se laisse guider par une imagination étonnante et un sens de la divination qui lui permet de lire jusqu’au fond des âmes. Il n’étudie et ne crée jamais ses personnages pour eux-mêmes, mais toujours par rapport à la vie universelle et les actes humains, avec lui, ne prennent de valeur qu’en regard de l’Idéal et de l’Absolu. Sur tout cela, ce mysticisme à la fois souriant et mélancolique et cette immense pitié qui s’étend à toutes les souffrances et embrasse les bêtes et les choses ; cette mélancolie et cette pitié qu’on retrouve dans toutes ses œuvres, dans ses Souvenirs de Sébastopol, dans Résurrection, dans Les Cosaques, dans Anna Karénine.

Chaque volume de Tolstoï marque une étape de sa pensée et dans son ensemble, son œuvre est une autobiographie morale. Cette œuvre immense, il est difficile de l’analyser entièrement. Ses meilleurs romans resteront La Guerre et la Paix, sorte d’épopée où il étudie l’armée, la noblesse, les classes dirigeantes russes, les souffrances du peuple, les conflits sociaux ; Anna Karénine, l’histoire douloureuse d’une femme luttant contre la passion, où l’on trouve une peinture fidèle de la corruption des hautes classes ; Résurrection, où il met en scène une lamentable prostituée et parcourt les bas-fonds de la société ; Les Cosaques, glorification de la vie naturelle. Et dans tous ses romans, le moraliste évangélisateur apparaît, se penche sur ses personnages et verse sur eux l’immense bonté et l’amour qui débordent de son cœur d’apôtre.

Malgré tout et quoique la résignation fasse le fond de sa doctrine, on peut y trouver un certain levain de révolte. Tolstoï n’est pas un chrétien, au sens moderne du mot. Ses préceptes s’inspirent de l’Evangile, mais il écarte les dogmes officiels : le péché originel, la rédemption, l’immortalité, l’espoir d’une vie future qui lui semble une lâcheté véritable. Il veut enfermer les sentiments dans le cercle de la vie terrestre. Il ne s’occupe pas de la divinité du Christ. Ses deux principes essentiels sont l’amour du prochain et la non résistance au mal. Par là, comme on peut voir, son christianisme ressemble furieusement au bouddhisme.

Mais ce qu’il faut retenir de ces principes contradictoires et déconcertants, c’est la haine que Tolstoï a toujours manifestée pour le militarisme et l’atrocité de la guerre. Nul mieux que lui n’a su inspirer l’horreur des charniers humains. Il a écrit sur ces boucheries sanglantes des pages inoubliables qui lui vaudront le pardon pour tant d’absurdes prédications dont il a comblé son œuvre.

Ce tableau, par exemple, d’un champ de bataille :

Des centaines de corps mutilés, fraichement ensanglantés qui, deux heures avant, étaient pleins d’espérance et de volontés diverses, sublimes ou mesquines, gisaient, les membres raidis, dans la vallée fleurie et baignée de rosée qui sépare le bastion de la tranchée ou sur le sol uni de la petite chapelle des morts de Sébastopol ; les lèvres desséchées de tous ces hommes murmuraient des prières, des malédictions ou des gémissements ; ils se retournaient sur le flanc, les uns abandonnés parmi les cadavres de la vallée en fleur, les autres sur les brancards, les lits et le plancher humide de l’ambulance... (Souvenirs de Sébastopol).

Dans la Guerre et la Paix de sombres tableaux défilent qui ne peuvent qu’inspirer l’horreur des massacres. Et dans son aversion pour la guerre, Tolstoï est allé aussi loin que possible. Il a dénoncé le patriotisme comme la source première des barbaries militaires. Il a dit du drapeau que c’étaient des morceaux d’étoffes fixés à des bâtons. Malheureusement, l’écrivain se contente de décrire âprement le mal et ses causes et le moraliste va prêcher par là-dessus la résignation. Et l’on aboutit puérilement à la résistance passive et aux Doukhobors.

Né à Iasnaïa-Poliavna (gouvernement de Toula), tout près de Moscou, en 1828 (28 août-9 septembre), Léon-Nikolaévitch, comte Tolstoï, fils d’un colonel en retraite, devint orphelin de bonne heure. Il eut, comme beaucoup de jeunes Russes, un Français comme précepteur. Dès dès l’âge de quinze ans, il lisait nos écrivains du XVIIIe siècle, particulièrement Voltaire et Rousseau. A dix-neuf ans il ne croyait plus à l’Église orthodoxe et s’écartait de la religion dans laquelle il avait été élevé.

Physiquement laid et le sachant, timide, peu communicatif, Tolstoï eut cependant une jeunesse assez orageuse, pleine de duels, d’orgies tapageuses. En 1847, il quittait
l’Université de Moscou où il était entré en 1843 et se retirait à Iasnaïa-Poliavna, parmi les paysans. Il trouva ses propriétés dans un désordre affreux et déjà, après maints froissements d’amour-propre et de menus incidents qui avaient affecté sa sensibilité, il découvrait que la racine du mal gisait dans la misère des paysans. Ce mal disparaîtra, écrivait-il, dès cette époque, à l’une de ses tantes, après un long et patient travail. N’est-ce pas alors un devoir, un devoir sacré, de me dévouer au bien-être de ces sept cents âmes ? Le futur apôtre de l’Amour et du Sacrifice se dessinait dans ces quelques phrases.

Pourtant il ne demeura pas longtemps à Iasnaïa-Poliavna, parmi ses paysans. Trois ans plus tard, il partait pour le Caucase où on le nommait officier d’artillerie. En 1352, il publiait sa première œuvre, Enfance, sous le pseudonyme L. T., dans la revue Sovremennik, de Saint-Pétersbourg. Puis il prit part à la guerre de Crimée et se distingua à Sébastopol. Il fut nommé commandant de division.

C’est vers 1851, alors qu’il était au Caucase, que Tolstoï médita sérieusement sur les problèmes humains. Une voix mystérieuse lui murmurait à l’oreille : C’est maintenant que tu commences à vivre ! Et il sentait en lui un désir irrésistible d’action. Plus tard, alors qu’il était officier d’artillerie et prenait part à toutes les expéditions militaires, le jeune Tolstoï, vivant au milieu des Cosaques dont il observait les mœurs et admirait la farouche indépendance, songeait à son avenir et considérait son passé. Il récapitulait son existence et se demandait quelle voie il avait jusqu’alors suivi. Il comprenait vaguement que le but de l’homme ici-bas est la recherche du bonheur. Mais lorsqu’il eut établi que le bonheur consiste dans l’amour et le dévouement, sa vie passée lui fit horreur. Il résolut de se renouveler et de se retremper dans le sacrifice. Sa carrière d’apôtre commençait.

En même temps, pendant la guerre de Sébastopol, Tolstoï était ému de la souffrance humaine. Au Caucase déjà, il avait goûté la beauté de la nature. Cela le conduisit à chanter la vie simple et sauvage. La civilisation avec ses crimes, ses guerres atroces, lui inspirait une insurmontable horreur. Après avoir visité des amputés, des malades, des blessés, il comprit que jamais la poudre et le sang n’apporteraient une solution aux questions qui se posent entre humains. Et tout en guerroyant, il prenait sa plume et commençait à écrire. De cette période datent : Adolescence, Souvenir de Sébastopol, Coupe du bois, Invasion des Cosaques.

La campagne terminée, Tolstoï séjourna quelque temps à Sébastopol. Ses convictions de patriote étaient alors fortement ébranlées par ce qu’il avait pu voir de la guerre. Sa réputation littéraire était déjà établie et il fut chaleureusement reçu dans la capitale où il se lia avec quelques écrivains célèbres, parmi lesquels Tourgueneff. Mais les discussions purement littéraires ne lui apportaient aucune satisfaction. Toujours sous l’impression angoissante ressentie sous les murs de Sébastopol et au milieu des Cosaques, il persistait à songer à la loi mystérieuse de la vie. Il se cherchait. Il croyait alors que sa vocation était d’instruire les hommes et se posait cette question : Que suis-je ? Que dois-je enseigner ? Bientôt après avoir observé les prêtres de la pensée et de la parole, il comprenait que leur croyance n’était qu’une supercherie et se séparait d’eux.

Peu après, il entreprenait un voyage à l’étranger, visitait la France où il fut vivement impressionné, à Paris, par le spectacle d’une exécution capitale, parcourait l’Allemagne où il suivait des cours scientifiques, l’Italie, la Belgique, l’Angleterre. Il rencontrait Proudhon à Bruxelles et Liszt à Weimar.

Il revint en Russie un peu avant l’émancipation des serfs. L’empire était alors bouleversé par tin immense espoir dont il se fit l’écho. Il fonda à Iasnaïa une revue et une école modèle qui durèrent près de dix ans.

En 1862, il épousa la fille d’un docteur de Moscou et commença une vie de famille simple et paisible. C’est pendant cette période qu’il a écrite deux de ses chefs-d’œuvre : La Guerre et la Paix (1864-69) et Anna Karénine (1873-1876).

C’est à partir de 1874 que le Tolstoï évangéliste fait son apparition. Le problème religieux et moral se posait avec plus de force que jamais et l’absorbait complètement. Il cherchait toujours le « pourquoi » de la vie. Il connut alors deux paysans, Soutaïev et Bondarev, fondateurs de deux sectes religieuses qui donnaient le pas à l’Ancien Testament sur le Nouveau et professaient que la rénovation du monde ne peut se faire que par le travail manuel et individuel. Tolstoï traversa alors une crise morale qu’il nous a racontée dans Ma Confession (1879-1882). Il revint à l’Evangile, renonça au monde et se mit à labourer la terre.

Pourtant il ne renonçait pas à la littérature. Il donnait : Maître et Serviteur, La Sonate de Kreutzer, La Mort d’Ivan Illicht, Résurrection. Il écrivait une pièce en quatre actes : La Puissance des Ténèbres. Il publiait aussi nombre de livres pour l’éducation du peuple, des études, des contes en style biblique ; Qu’est-ce que l’Art ?, En quoi consiste ma foi, L’Église et l’État. Ce dernier livre lui valut d’être excommunié le 24 février 1901 par le Saint Synode comme hérétique et athée.

Puis il prenait, à maintes reprises, la défense des paysans. Il soutenait les Doukhobors persécutés. Il protestait contre les horreurs tzaristes par la lettre Tu ne tueras pas (1900) ; il se déclarait contre la guerre russo-japonaise, contre les actes des révolutionnaires pour défendre ses idées de non-résistance au mal. Enfin, en 1908, il dénonçait à nouveau les atrocités du régime par la lettre : Je ne puis pas me faire.

Aujourd’hui, Tolstoï, âgé de 81 ans, est l’écrivain universellement admiré. Depuis sa crise morale et sa conversion, il n’a jamais quitté ses terres de Iasnaïa où, vêtu de la blouse du paysan, il travaille de ses propres mains. Tous les six mois, on annonce sa mort, mais chaque fois, l’écrivain échappe à la maladie qui le guette. On sait qu’il a renoncé à ses propriétés, mais on sait moins que ses fils les gèrent à sa place et que sa femme administre sa propriété littéraire. Faut-il conclure de cela, comme certains l’ont fait, à l’hypocrisie de l’apôtre ?

Quoi qu’il en soit, Tolstoï demeurera comme un des écrivains les plus puissants de son siècle et il aura marqué fortement son époque. Tout n’est pas à rejeter dans le fatras de ses conceptions religio-philosophiques. Quand Tolstoï s’adresse à l’énergie humaine pour acquérir la discipline intérieure, quand il prêche l’abolition de la misère humaine, l’aspiration vers le Bonheur universel ; quand il dit : Ne tuez pas, n’exploitez pas, purifiez votre vie et votre conscience, on ne peut que suivre l’apôtre. Le but nous propose est sublime. Mais les moyens sont discutables. Tolstoï n’a pas su voir que la réalisation de ses vœux était, hélas, au prix de violences encore et que sa chimère ne pouvait s’épanouir que dans le sang. De même Tolstoï nie la science. Il ramène tout à la Morale. Il croit, comme le philosophe de Genève, que la civilisation est l’origine de tous nos maux. Il nie encore l’Art comme l’interprétation d’une Beauté mystérieuse et éternelle qu’il ne veut pas connaître. Pour lui le Beau ne peut être que le Bien. Sa loi se résume en deux mots : Aimer, Travailler. En somme, devenir meilleur et par l’exemple inciter les autres à agir dans le sens de la perfection morale. Puérilités et sophismes.

Mais ce qu’on retiendra de Tolstoï, c’est son œuvre négatrice. Il a dénoncé le mal avec une véhémence que nul n’a atteint avant lui. Il a inspiré aux hommes l’horreur de la guerre et des massacres, la haine de l’exploitation et de l’oppression. Il nous a tracé des tableaux émouvants de la misère humaine. Il a fait pleurer sur les douleurs des parias et des vaincus. Il a flétri l’hypocrisie des religions et des morales officielles, condamné l’inégalité et la richesse. Il peut ensuite conclure à la résignation et nous inviter à courber la tête. Il n’a pu, malgré lui, que créer de la révolte agissante.

Et s’il est utile de combattre le doctrinaire dont les radotages enfantins agacent parfois, on ne peut que crier son admiration pour l’artiste. Après tout, que Tolstoï ait été dupe d’illusions généreuses et éternelles, il n’en a pas moins, à son encontre, obtenu des résultats inespérés. L’Eglise orthodoxe ne s’y est pas trompée, elle qui a condamné l’Apôtre de l’Amour en qui elle a su démêler parfaitement le père intellectuel de la Révolution russe, celui qui a su offrir aux jeunes générations, dans la gangue des doctrines émollientes, le métal précieux de la révolte.

 

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