Telle fut donc la première tentative révolutionnaire de Charles Malato. Après ça, il suivit son père à la Nouvelle-Calédonie. Après 145 jours de traversée, le Var débarqua à Nouméa le père, la mère et le fils qui furent dirigés sur l’île des Pins.
Ils y demeurèrent environ trois mois. Puis, sans qu’ils eussent sollicité cette faveur, on les fit venir à Nouméa. Là, on offrit au jeune Malato d’entrer comme employé à la direction de l’Intérieur. Il refusa. On eut pu croire, en effet, qu’il s’était vendu. On voulut alors le nommer piqueur aux Ponts-et-Chaussées. Il refusa encore pour les mêmes raisons.
Mais, bientôt, une mission télégraphique étant arrivée dans l’île, avec à sa tête un savant orientaliste de valeur, Charles Lemire, Malato accepta d’y entrer.
En 1878-79, il fut le témoin de la fameuse insurrection canaque qui coûta la vie à 300 blancs et à 2 ou 3 000 indigènes. La situation des déportés, vivant sur la grande terre, était très difficile. On les avait amenés dans le pays malgré eux et ils étaient bien obligés de se défendre contre les insurgés qui, malheureusement, faisaient une guerre de race et de couleur. Les Canaques ne surent pas appeler à eux les forçats, entretenir les fusils capturés, se servir de la hausse. Il leur aurait été possible de fomenter la révolte des 8 000 forçats de l’île Nou. Malheureusement, ils considéraient tous les blancs comme leurs ennemis. Néanmoins, ceux qui, comme l’ex-membre de la Commune, Amouroux, offrirent leurs services pour mater les révoltés, sont inexcusables.
Malato, alors gérant du bureau télégraphique d’Oubatche, non loin de la terrible tribu anthropophage des Oébias, manqua être tué avec sa famille et mangé par surcroît. Une nuit l’habitation fut incendiée. Lui et ses parents échappèrent difficilement à la rage des Canaques et rentrèrent à Nouméa.
Ce fut à Nouméa que Malato perdit sa mère. Ce fut aussi à Nouméa qu’il fit la connaissance de Louise Michel, à laquelle il communiqua des glossaires et des légendes, fruit de ses études de mœurs canaques. Il s’était assimilé tout à fait à ces mœurs. Il s’amusait même à se noircir le corps et s’en allait dans les pilous de guerre en déshabillé sauvage.
Enfin, après un dernier stage au bureau télégraphique de Thio, vint l’amnistie. Malato et son père rentrèrent en France.