Oubliée (volontairement ?) de la culture officielle et morte dans l’indifférence en 1972, Salvadora Medina Onrubia est aujourd’hui redécouverte. Longtemps on a évoqué le nom de Salvadora Medina Onrubia en l’associant à celui de son époux, le charismatique Natalio Botana, l’un des pères du journalisme populaire en Argentine et fondateur de Critica. La trajectoire de la famille Botana/Damonte/Onrubia est particulièrement sulfureuse, et n’oublions pas que Salvadora est également la mère d’un auteur de théâtre aussi célèbre que scandaleux, Raul Damonte Botana, « Copi », bien connu en France et figure de proue du mouvement gay.
Qui est donc Salvadora Medina Onrubia ?
Mère célibataire à 16 ans, elle élève seule son fils et rejoint en 1914 le célèbre quotidien anarchiste La Protesta à Buenos Aires. Parallèlement à ses activités militantes, elle publie plusieurs pièces qui contribuent à déconstruire l’image de la femme aimante et soumise très en vogue dans les feuilletons sentimentaux et les paroles des tangos des années 1920.
Alma Fuerte, La solucan, Un hombre y su vida ainsi que la très autobiographique Las decentradas (1929) figurent parmi ses productions les plus marquantes et les plus controversées, transgressant les stéréotypes féminins des productions littéraires de l’époque. Salvadora Medina Onrubia questionne la binarité des conventions sexuelles, s’attaque au mariage, aux relations hétéronormées et aborde sans ambages les questions de la prostitution et des liaisons extra-conjugales.
... Salvadora. Medina Onrubia. questionne la binarité des conventions sexuelles, s’attaque au mariage, aux relations hétéronormées et aborde sans ambages les questions de la prostitution et des liaisons extra-conjugales...
C’est le 1er février 1914, que Salvadora accède véritablement au rang de pasionaria anarchiste. Lors d’un meeting organisé par La Protesta contre la politique répressive du gouvernement, elle monte sur une estrade improvisée et exige même de prendre la tête de la manifestation.
Par la suite, Salvadora participe activement aux campagnes organisées par La Protesta contre les lois répressives qui sévissent depuis 1910 et entraînent l’incarcération prolongée de nombreux militants anarchistes, auxquels elle rend visite en prison.
En 1919, enceinte, elle participe aux manifestations et aux enterrements consécutifs aux événements de la Semana Trágica, manquant de perdre la vie.
Incomprise par ses propres enfants, elle détourne son affection vers les enfants de l’anarchie que sont Simôn Radowitsky et América Scarfo (âgée de 16 ans, elle s’enfuit avec Severino Di Giovanni pour vivre une histoire adultère et passionnée sur fond d’anarchisme). C’est avec Simón, incarcéré à 17 ans dans le pénitencier d’Ushuaia, qu’elle entretient une relation relevant de l’adoration mystique, matérialisée par une correspondance épistolaire qui perdure jusqu’à la mort de ce dernier en 1956.