Jeanne Morand, née le 17 août 1887 à Bey, en Saône-et-Loire, est l’aînée d’une famille nombreuse dont le père, cultivateur, quitte la terre pour devenir manœuvre à Chalon-sur-Saône, quelques années après sa naissance. À l’âge de 18 ans, elle monte à Paris pour se placer comme domestique, et fréquente très vite les causeries populaires des anarchistes individualistes. En 1907, elle s’installe dans la maison commune qui est le siège de leur organe, l’anarchie, et devient la compagne de Libertad, figure charismatique de ce milieu. Ses jeunes sœurs Alice et Marie, qui partagent ses idées, la rejoignent bientôt à Paris. Son comportement frondeur et rebelle lui vaut plusieurs condamnations à de courtes peines de prison.
Après la mort de Libertad, en novembre 1908, elle se rapproche des communistes libertaires et devient, en 1912, secrétaire du Comité féminin contre la loi Berry-Millerand qui prévoit d’envoyer les jeunes antimilitaristes accomplir leur service dans les bataillons disciplinaires d’Afrique. Elle écrit dans la presse anarchiste, prend la parole dans les meetings, et participe, en 1913, à la création d’une coopérative ouvrière de production de films : Le Cinéma du peuple.
À la déclaration de guerre, elle part pour l’Espagne avec son compagnon Jacques Long afin de poursuivre sa propagande antimilitariste.
En janvier 1919, ils sont expulsés et remis aux autorités françaises. Inculpés d’« intelligence avec l’ennemi » mais laissés en liberté provisoire, ils s’enfuient et sont condamnés par contumace, le 19 novembre 1920, à la détention perpétuelle en enceinte fortifiée. Jacques Long se suicide le 20 juillet 1921 tandis que Jeanne, épuisée par sa cavale, se constitue prisonnière. Sa condamnation est finalement ramenée à cinq ans de prison et à dix ans d’interdiction de séjour pour « appel à la désertion ». Au tribunal qui l’accuse d’être une antipatriotes, Jeanne répond qu’empêcher la mort de jeunes Français est un acte plus patriotique que de les y envoyer
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En prison, elle mène deux grèves de la faim pour l’obtention du statut de détenu politique. Finalement graciée, elle est libérée le 29 août 1924, et collabore à sa sortie à La Revue anarchiste de Sébastien Faure, au Libertaire et au Végétalien. Mais elle est sortie très ébranlée de ces épreuves et vit, à partir des années 1930, dans une grande précarité. Souvent pensionnaire de diverses institutions charitables, elle meurt le 26 février 1969 à l’asile d’aliénés de Fitz-James dans l’Oise.