Un mot encore, à propos de Gustav Landauer, qui est resté incompris car il ne voyait pas dans le Parlement l’endroit d’où pourrait être réalisé le socialisme, au sens où il le comprenait. Il lui manquait deux attributs indispensables pour un homme politique : la vanité personnelle et la recherche de confortables modus vivendi. Landauer vécut pauvre et mourut pauvre. Quand Rudolf Krämer-Badoni le décrit comme un prophète d’un curieux anarchisme sentimental
[1], il ne sait visiblement pas que Landauer fut l’un des premiers à proposer une fédération des peuples pour la garantie de la paix. A Noël 1916, il adressa une lettre au président américain Woodrow Wilson, dont je cite cet extrait :
Maintenant, les gouvernements devraient tous s’impliquer dans la guerre, c’est-à-dire non seulement les belligérants mais encore les États neutres en accord avec leur représentation populaire, afin que dans le traité de paix, il soit stipulé qu’un congrès international devra immédiatement être convoqué, dans un délai précis, dont les décisions auront force de loi et qui tout à fait indépendamment du traité de paix provisoire, devra prendre sous sa juridiction permanente, en tant qu’objet commun à tous les peuples, deux domaines qui, jusqu’ici et pour le plus grand malheur de tous, étaient considérés comme des affaires intérieures à chaque État : premièrement l’armement et deuxièmement le contrôle du droit constitutionnel de chaque État de manière à garantir que le peuple entier de la politique et du gouvernement de son territoire
.
Landauer demandait dans cette lettre une conférence internationale pour le désarmement. Les armements, disait-il, ne doivent pas, dans l’intérêt de la paix mondiale, être des affaires purement intérieures. L’armement doit être réglementé par des institutions de droit public d’un congrès international, dont les décisions sont obligatoires et peuvent être imposées
. On ne sait si la lettre de Landauer vint aux mains du président Wilson. Mais quelques semaines plus tard, Wilson publia son célèbre manifeste pour la paix, qui contient les mêmes idées. Et deux ans après, à Genève, la Société des nations fut créée.