Accueil > PARTAGE NOIR - Brochures > Allemagne > Augustin Souchy 1 - Attention : anarchiste ! > Augustin Souchy 1 - Attention : anarchiste ! [03]

Augustin Souchy 1 - Attention : anarchiste ! [03]

dimanche 24 novembre 2019, par Augustin Souchy (CC by-nc-sa)

Durant les années suivantes, des orateurs sociaux-démocrates extérieurs venaient de temps à autre animer des réunions ou des conférences, que nous ne manquions jamais car de tels événements nous offraient des sujets de conversations pour des semaines. Il m’est resté particulièrement en mémoire une conférence de propagande du député social-démocrate au Reichstag, Adolf Hoffmann. Ses interventions combatives au Reichstag et son livre sur les dix commandements (Die zhen Gebote und die besitende Klasse, « Les dix Commandements et la classe possédante », 1891), avaient fait de lui un des hommes politiques les plus populaires. Il ne se gênait pas pour lancer des rappels à l’ordre sarcastiques – « M. Oldenburg-Januschau ment à se faire tordre des poutres » – ce qui lui valait d’innombrables rappels à l’ordre. Le bulletin clérical du coin le décrivit avec une torche incendiaire dans main et sa bible athée sur les dix commandements dans l’autre pour mettre en garde les honnêtes citoyens contre lui. C’était bien la meilleure des publicités que mon père, un des organisateurs de la réunion, pouvait souhaiter ! La salle fut comble. Et l’orateur exposa d’une excellente façon, et avec beaucoup de pédagogie, les buts et les moyens de la social-démocratie.

A 14 ans, j’avais lu Sur ma vie d’August Bebel. Bebel jouissait d’une grande considération la maison, surtout qu’avant de devenir homme politique, il avait été maître tourneur, comme mon père. Je dévorais toute la littérature socialiste qui me tombait dans les mains, sans distinction. En moi naquirent les premiers doutes sur l’infaillibilité des dogmes chrétiens, doutes qui me conduisirent enfin à l’agnosticisme. L’impulsion m’en fut donnée par mon frère Franz qui, au matin d’un dimanche d’été, me proposa d’aller nous promener dans le bois de chênes du village au lieu d’aller à la messe. L’hymne romantique Ô toi, belle forêt, si haute, si loin des vallées, que nous chantâmes durant cette promenade dans les bois, était une prière à la nature, qui réconfortait nos âmes bien plus que des psaumes mystiques. Notre athée de père nous aurait sans doute donné raison, mais notre mère, catholique, nous aurait, elle, réprimandés.

C’est pourquoi nous résolûmes de ne rien dire à la maison.