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Anatole Gorelik

samedi 17 février 2024, par Dimitrov (CC by-nc-sa)

Ne le 28 Février 1890 à Guenitchesk, petit port dans le sud de l’Ukraine. Ses parents étaient les juifs les plus pauvres de cette région et sa famille était nombreuse. A dix ans Anatole commence à travailler comme vendeur dans une épicerie. Il se forme intellectuellement seul.

Il devient anarchiste en 1904 et il est arrêté à plusieurs reprises. En 1909 il émigre en France et en 1911 il revient illégalement en Russie, mais revient en France la même année. En 1913, il part aux États-Unis et milite dans les syndicats de langue russe de l’IWW. Il se marie avec une camarade, juive comme lui, Fania.

En apprenant en 1917 que la révolution a éclaté en Russie, Fania et Anatole s’embarquent avec d’autres anarchistes des USA pour rejoin­dre le combat. Anatole s’installe en Ukraine à Ekaterinosslav et dans le bassin du Donets. Il est aussi rédacteur de la Voix anarchiste et secrétaire du bureau d’information pour la propagande en hébreu (yiddish). En 1919 il est secrétaire du groupe anarchiste de Melitopole. Ce groupe faisait partie de l’organisation anarchiste d’Ukraine Nabat et appuyait les makhnovistes. En 1920, alors qu’il est enseignant, il est arrêté par les bolcheviks qui répriment les makhnovistes. On l’envoie à Moscou en prison. Libéré en janvier 1921, il est arrêté en mars à cause de sa propagande pour les idées libertaires et est condamné à trois ans de camp de concentra­tion comme « contre-révolutionnaire ».

Pendant le congrès des syndicats rouges à Moscou, il fait avec plusieurs camarades anarchistes la grève de la faim. Au bout de dix jours et demi, et grâce à l’intervention des délégués étrangers anarchistes et anarchosyndicalistes (Angel Pestana, Armando Borghi, May Picqueray, etc.), il est libéré et expulsé d’URSS avec neuf camarades, à la fin de 1921.

Anatole rejoint les camarades russes exilés à Berlin. Peu de temps après, sans doute à cause d’une analyse différente de la situation, il émigre à Buenos Aires. Là, il commence une intense activité d’édition en russe et en castillan et de collaboration à la presse de langue espagnole. On lui doit l’édition des actes du congrès du Nabat de novembre 1918 à 1922 en russe et en espagnol. Au-delà de l’aspect document, ce congrès fut surement un des plus concrets du mouvement anarchiste en général (du moins au niveau des sources écrites). En attendant la traduction complète des actes, voici quelques extraits :

Pour ce qui est de la participation des anarchistes dans différents types de bataillons d’insurgés et d’organisations non anarchistes, la conférence reconnait :
1) que la participation des anarchistes dans les bataillons d’insurgés est indispensable, quel qu’en soit le genre et, en particulier, l’organisation de détachements insurgés de travailleurs et de paysans sans partis, par les anarchistes.
2) que la participation des anarchistes dans plusieurs genres d’organisations d’insurgés (comité militaire révolution­naire, état-major, etc.) est possible selon les conditions qui suivent :

  • a) les comités militaires révolution­naires et les autres organisations sembla­bles ne peuvent être considérés par les anarchistes que comme des organes techni­ques exécutifs, qui apparaissent dirigeants uniquement dans les opérations militaires. Mais en aucune manière, ils ne peuvent être des organes administratifs qui posent – sous quelque forme que ce soit – le problème de l’autorité ou la prennent en main  ;
  • b) les anarchistes ne peuvent participer aux organisations (comités militaires révolutionnaires, états-majors, etc.) ayant un caractère administratif autoritaire. Là où elles existent, les anarchistes doi­vent faire tout leur possible pour créer des organisations analogues sans partis ;
  • c) les anarchistes peuvent collaborer à des organisations qui n’ont pas de carac­tère politique et de parti et d’autoritarisme. Mais, dans le cas où elles deviendraient des organes de partis politiques, les anarchistes doivent s’en retirer et créer séparément des organismes semblables.
    Note : dans des cas exceptionnels, comme par exemple dans les moments criti­ques de la lutte, et décisifs pour le salut de la révolution, il est permis aux anar­chistes de participer provisoirement aux organisations militaires révolutionnaires ayant un caractère politique, mais unique­ment dans un but purement informatif.

(Ed. russe p. 22-23)

Il est dommage que les camarades es­pagnols n’aient pas utilisé cette expérience en 1936  !

Il n’existe en français qu’un texte de Gorelik : « Les anarchistes dans la Révolu­tion russe » 28 p., dans un livre (épuisé) au même titre édité par Skirda (Paris, Ed. Tête de Feuille 1973, 186 p.) Le texte écrit à Berlin en mars 1922 fut sorti à Buenos Aires en juin 1922. Gorelik tirait deux leçons : la Révolution est très difficile lorsque les cliques politicardes prennent racines et s’appuient sur l’ignorance et la confiance des masses, et que la lutte pour le pouvoir est si intense entre les individus et les groupes. Les anarchistes russes ont détruits chez les anarchistes mêmes la mystique de la bombe et du révolver et extirpé l’idée que les ex et la terreur constituaient le fond de la tactique anarchiste. (O.c. p. 83).

Dans une brochure en espagnol de 1933 L’anarchisme et la Révolution russe, Gorelik en soulignant les contradictions entre certaines affirmations libérales de Lénine et d’autres – ainsi que sa pratique – et aussi la vision de Staline, concluait : le marxisme et en particulier le bolché­visme (...) est une idée qui n’a pas de base morale, aucun idéal éthique. C’est pourquoi le marxisme s’adapte si facilement à toutes les circonstances et accepte aussi bien le fascisme et la monarchie que l’anarchisme.

A l’opposé l’anarchisme est une doctrine so­ciale avec un fondement moral. C’est la raison pour laquelle, contrairement aux idées socialistes et marxistes, c’est la seule idée qui ait résisté victorieuse­ment au feu des événements de la révolution russe.

On doit aussi à Gorelik l’évocation de l’enterrement de Kropotkine, une brochure en russe de 1923 L’éducation en Russie soviétique (12/17, 144 p.) où il retrace son expérience personnelle. Gorelik col­laborait assidûment à la Revista Blanca en 1935 et 1936.

En 1940 Gorelik fut atteint de paralysie et jusqu’à sa mort à Buenos Aires le 15 novembre 1956 il n’eut plus d’activité. Et on ne sait presque rien de la fin de sa vie.

Camarade Anatole : quand l’idéal que tu as servi triomphera, nos descendants se souviendront de toi et réaliseront le mes­sage de tes paroles d’or. (Extrait de la nécrologie d’Alexandre Tcherniakov dans Dielo Truda- Probujdenie ; New-York, n°56, juin 1956).

Les détails biographiques viennent de cette source et de Répression de l’anar­chisme en russie soviétique Nlle Ed. Paris 1977, Fédération Anarchiste.