Marguerite Navel née Fort est une chansonnière antimilitariste de la Guerre de 1914-18. Elle est née à Paris et vécut rue des Annelets dans le XVIIIe arrondissement jusqu’à l’âge de six ans. Ses parents vivaient en concubinage et avaient fui leur milieu familial lyonnais pour se réfugier dans la capitale. Son père était un syndicaliste libertaire engagé et délégué syndical. Marguerite Navel se souvenait encore, lorsque je l’ai enregistrée dans les années 1978, du bureau de la Bourse du travail où son père l’emmenait avec lui. Elle a donc reçu une éducation libertaire éclairée et était fière d’annoncer que, dans sa famille, elle comptait quatre générations de non-baptisés.
Pendant la Première Guerre mondiale, elle est devenue chansonnière antimilitariste à Lyon, où la famille était revenue vivre, et elle fit partie de chorales militantes telles que La Muse rouge de Paris, nommé Le Nid rouge à Lyon. Là elle se perfectionna dans le répertoire anti-guerre et pouvait chanter dans les années 1978 Gaston Couté ou La grève des ventres de mémoire. D’ailleurs nous avons réalisé un enregistrement avec elle de quatre de ses chansons les plus emblématiques, à capella ! Elle choisit le métier de papetière, qu’elle exerça jusqu’à sa retraite, dès les années 1920, car les revenus de la chanson étaient très aléatoires.
Elle épousa Lucien Navel, le grand frère de Georges Navel. Lucien Navel était un fervent admirateur de Gaston Couté et Marguerite Navel conserva des photos de Lucien déguisé en costume de scène pour chanter Gaston Couté. Lucien Navel était aussi un militant anarcho-syndicaliste ardent et Marguerite Navel accompagna les combats syndicalistes toute sa vie, quoiqu’elle resta fidèle à la vieille CGT, au syndicat des papetiers, comme beaucoup d’anarchistes. Elle a témoigné de ses engagements constants dans une longue histoire de vie que nous avons réalisée ensemble et qui est accessible désormais en ligne à l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam.
Le groupe de la « Muse Rouge » naît en 1901 à Paris, sous la houlette de militants pacifistes, majoritairement anarchistes (Sébastien Faure, Constant Marie, Jean-Baptiste Clément, Charles d’Avray l’auteur du Triomphe de l’anarchie, etc .) Le nom de « Muse Rouge » (en 1907) vient du titre d’une chanson écrite par Constant Marie, en hommage à Louise Michel. En adoptant ce nom, la « Muse Rouge », le groupe se place comme l’héritier de l’esprit des communards ; d’ailleurs, outre Jean-Baptiste Clément, la veuve d’Eugène Pottier en fait partie.
Une spécificité de la « Muse rouge » est que ses membres ne sont pas des professionnels mais des militants qui travaillent à l’usine, aux champs ou dans des bureaux (Bizeau est vigneron). Par cette démarche et à l’opposé de toute la sphère marchande qui va naître avec les cafés concert au milieu des années 1900, la « Muse Rouge » poursuit la tradition des goguettes et des poètes-ouvriers proches des réalités sociales vécues par les travailleurs.