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Le coût de la guerre : Par le feu et l’épée

jeudi 17 août 2023, par Marie-Louise Berneri (CC by-nc-sa)

Texte original : « The Price of War : By Fire and Sword » Paris 1944. Extrait de son essai By Fire and Sword, inclus plus tard dans le chapitre « Neither East Nor West » de The Emergence of the New Anarchism de Robert Graham

Dans la préface de Paris et ses environs de Baedeker [1], publié en 1881, on trouve une description du désastre récent le plus déplorable causé par les méthodes monstrueuses des communistes durant le second règne de la terreur, du 20 au 28 mai 1871. Selon l’auteur, Durant cette semaine d’horreurs, pas moins de vingt-deux monuments et bâtiments publics remarquables ont été entièrement ou partiellement détruits, et sept gares, les quatre principaux parcs et jardins publics, et des centaines de maisons et autres bâtiments ont connu un destin semblable.

Si le baron Karl Baedeker avait à écrire une préface à un guide sur Paris dans les années qui suivront la guerre actuelle, il aurait probablement à recenser bien plus de méthodes « monstrueuses » de la part de l’armée allemande en déroute et des armées « de libération » victorieuses démolissant tout au bulldozer. Il y aura cependant une différence : les cicatrices qu’arboreront Paris, comme les autres villes de France comme Caen, Cherbourg et beaucoup d’autres seront des cicatrices nobles pour lesquelles on demandera au peuple français d’être fier et il n’est pas sûr qu’elles recevront des remarques désobligeantes comme celles adressées à la Commune par les générations à venir d’auteurs de guides.

C’est le privilège des révolutions que de voir les actes de violence qu’elles ont engendré recevoir un maximum de publicité dans les journaux, les livres d’histoire, les romans, les pièces de théâtre, les films… et même les guides de voyage. Les horreurs de la guerre sont oubliées ou glorifiées pour les touristes, comme les ruines de Verdun. Mais tout est fait pour garder vivant dans la mémoire des gens les actes de violence qui se sont déroulés durant les révolutions. Demandez à n’importe lequel écolier français ce qui a été la période la plus sanglante de l’histoire de France et il vous répondra probablement la période de la Terreur. Quelques milliers de personnes ont été tués durant cette période, un petit nombre comparé aux guerres napoléoniennes ; un chiffre infime comparé aux pertes de la guerre 1914–1918. Mais l’écolier français connaîtra tout sur les horreurs de la révolution française, l’assassinat des prêtres et des nobles, la mort en captivité des héritiers de Louis XVI et la décapitation de Marie-Antoinette. Mais il ne connaîtra rien des millions de morts de la première guerre mondiale et des centaines de milliers d’enfants morts de faim et de maladies par sa faute.

Les révolutions ne sont pas synonymes de meurtre et de destruction de masse uniquement chez les écoliers. Combien de fois avons-nous vu des politiciens socialistes et des professeurs fabianistes érudits prêcher la soumission et le compromis avec la classe dirigeante en agitant le spectre de la révolution sanglante devant les masses abusées ? C’était avec des larmes dans les yeux que Léon Blum a demandé au peuple français de ne pas intervenir dans la révolution espagnole. C’était dans le but « d’épargner des vies » qu’il a regardé étouffer un des plus fantastiques mouvements révolutionnaires et permis aux puissances fascistes d’acquérir l’expérience pour entreprendre une guerre mondiale. Bien sûr, lorsque la guerre actuelle a éclaté, Léon Blum a oublié tout son amour délicat pour l’humanité et a exhorté le peuple français à aller au massacre. Comme chacun le sait, les révolutions sont des événements sanglants mais mourir en masse pour la mère patrie est qualifié de sacrifice suprême et sublime sacrifice, et donc, dans ce cas, la mort ne compte pas réellement.

On peut facilement prédire qu’après cette guerre, il y aura toujours des gens pour parler des horreurs de la Commune et de l’exécution de fascistes, de capitalistes et de prêtres en Espagne. Mais les bombardements de Hambourg, Paris et Londres, ceux de Caen, le torpillage de transports de troupes, la mort dans le ciel de milliers de jeunes gens, la famine et les épidémies ravageant des pays entiers : tout cela sera classifié comme des maux nécessaires, des calamités inévitables que l’humanité doit être fière d’endurer. Les révolutionnaires continueront à être des gens assoiffés de sang que l’on ferait mieux de garder enfermés. Et si le choix entre la guerre et la révolution se présentait à nouveau, les chrétiens, les socialistes et les communistes choisiraient sans aucun doute, à partir de principes humanistes, la guerre une fois encore.


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[1Karl Baedeker 1801 – 1859. Libraire et écrivain allemand qui a eu l’idée de guides de voyage en format de poche. Il a publié Paris et ses environs en plusieurs éditions [NDT].