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2 septembre 1911

{100 años} Ricardo Flores Magón : « Le peuple mexicain est prêt pour le communisme »

vendredi 11 février 2022, par Ricardo Flores Magón (CC by-nc-sa)

Comme nos camarades de Fédération Anarchiste Mexicaine, au cours de l’année 2022, nous allons commémorer le centenaire de la mort de Ricardo Flores Magón. Aujourd’hui nous mettons en ligne un article publié dans Regeneración, 4e époque, n°53, 2 septembre 1911.

Les habitants de Morelos, comme ceux de Puebla, de Michoacan, Durango, Jalisco, Yucatan, et des autres états, dans lesquels de vastes étendues de terrains ont été occupées par des masses prolétaires qui se sont voués a leur culture démontrent au monde entier, avec des faits, que l’on n’a nul besoin de savants pour résoudre le problème de la faim.

Pour arriver au résultat de la prise de possession de la terre et des instruments de travail au Mexique on n’a pas eu besoin de leaders, « d’amis » des travailleurs, ni de décrets paternalistes, ni de lois savantes, non rien de tout cela. C’est l’action qui a tout fait et qui continue de tout faire. Le Mexique marche vers le communisme plus vite encore que nous l’espérions, nous les plus exaltés des révolutionnaires, et le gouvernement et la bourgeoisie ne savent plus quoi faire en face de faits qu’ils pensaient irréalisables.

Il n’y a pas trois mois que Juan Sarabia dans une lettre ouverte, longue et fastidieuse, qui m’était destinée et que presque toute la presse bourgeoise de Mexico a publié, me disait que le prolétariat ne comprenait rien à notre propagande et qu’il était satisfait avec la grande conquête de la révolte madériste : Le bulletin électoral. Les faits lui démontrent que nous les libéraux ne sommes pas des utopistes et que notre action et notre propagande répondent aux nécessitées et à l’opinion de la classe pauvre du Mexique. Le peuple mexicain tient en une horreur instinctive l’autorité et la bourgeoisie. Tout visiteur du Mexique a pu approcher cette réalité, il n’y a pas d’individu plus cordialement haï que le gendarme. Le seul mot de gouvernement rempli d’inquiétude les humbles. Le soldat, en d’autres pays applaudi et admiré, est ici vu avec mépris. Toute personne qui ne gagne pas sa vie avec ses mains y est odieuse.

Tout ceci est plus que suffisant pour une révolution sociale de caractère économique et anti-autoritaire. Mieux. Au Mexique vivent plusieurs millions d’Indiens qui, il y a 20 ou 25 ans vivaient encore en communautés, lesquelles possédaient en commun la terre, les eaux et les forêts.

L’appui mutuel était la règle dans ces communautés, dans lesquelles l’autorité était perçue seulement quand l’agent du fisc faisait son apparition ou bien quand les rurales venaient chercher des mâles pour renforcer l’armée. Dans ces communautés il n’y avait ni juges, ni maires, ni matons, ni aucune sorte de ces parasites. Tous avaient droit à la terre, à l’eau pour l’arroser, à la forêt pour le bois de chauffe et de construction. Les charrues aussi bien que les bœufs étaient au service de tous. Chaque famille cultivait le lopin de terre qu’elle jugeait suffisante pour vivre, la récolte se faisait en commun, en réunissant toute la communauté, aujourd’hui pour Pierre, demain celle de Jean, et ainsi de suite, tous les membres de la communauté participaient à la tâche.

Ces simples habitudes ont duré jusqu’à ce que, l’autorité, se sentant assez forte dans la pacification totale du pays, put garantir à la bourgeoisie la prospérité des affaires. Les généraux des révoltes politiques reçurent des vastes étendues de terres, les hacendados agrandirent leur territoire, les plus vils politiciens obtenaient des terres immenses comme salaires, les aventuriers et les étrangers obtinrent des concessions, de terres, de forêts, de rivières, (laissant nos frères indiens sans un pouce de terre, sans droits sur les forêts, ni sur la moindre branche d’arbre, dans la misère la plus abjecte, dépouillés de tout ce qui avant était à eux) Quant aux métis qui constituent la majorité des habitants de la république mexicaine, à l’exception des habitants des grandes villes, ils avaient également des terres communales, bois et rivières, comme la population indigène. L’appui mutuel était également de règle, les choses se fabriquaient en commun, l’argent n’était pas nécessaire, parce qu’on pratiquait le troc. Mais il y a eu la paix, l’autorité en ressortit renforcée, et les bandits de la politique et de la finance volèrent éhontément les terres, les bois, tout. Il n’y a pas quatre ans on pouvait encore lire dans la presse d’opposition que le nord-américain X ou l’allemand Y ou l’espagnol Z avaient enfermé une population entière dans les limites de « sa » propriété avec l’aide de l’autorité.

On voit, donc que le peuple mexicain est apte au communisme parce qu’il l’a pratiqué, au moins en partie, durant des siècles, et cela explique que bien que analphabète en majorité il comprenne que aux farces électorales pour élire des bourreaux il est préférable de s’emparer de la terre, et c’est ce qu’il fait au grand scandale des voyous de la bourgeoisie.

Maintenant il ne manque plus que l’ouvrier s’empare de l’usine, de l’atelier, de la mine, de la sidérurgie, du chemin de fer, du bateau, de tout en un mot. Qu’il n y ait plus de maître d’aucune classe et alors cela sera la fin de ce mouvement.

Adelante Camaradas !

 

Regeneración, 4e époque, n°53, 2 septembre 1911

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