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Les Coloniaux, une nouvelle de Del Inferno

mardi 15 novembre 2022, par Del Inferno (CC by-nc-sa)

Distribué en 1992 devant les cinémas projetant le film 1492 : Christophe Colomb par le Groupe Anarchiste Flores Magón de la FA, ce tract voulait —au moyen de cette uchronie— dénoncer la célébration du cinquième centenaire du massacre des indigènes.

En plein dans la commémoration du cinquième centenaire de la conquête de l’Amérique, la situation des indiens est dramatique. En fait d’un rapprochement entre les deux civilisations, il s’agit plutôt d’une tentative d’imposer une culture à une autre. L’indien conçoit son environnement comme un système équilibré, où chaque élément prend son importance. Quant au blanc, sa devise reste : « Malheur aux vaincus ! » La nouvelle qui suit inverse les rôles. Il ne s’agit pas de vous mettre à la place des indiens mais de savoir ce que vous feriez si, par l’intermédiaire d’un film, on célébrait l’anéantissement des peuples européens.

Tupac Umaru se tenait droit, conte le bastingage du navire amiral. La vitesse de croisière permettrait à sa flotte d’arriver à destination dans quelques jours.

— Nous allons bientôt combattre, amiral ? demanda son lieutenant.

— Oui. D’après, nos explorateur, nous ne sommes plus très loin. Toutes ces terres seront à nous grâce au traité.

L’amiral faisait allusion à l’accord passé entre les deux empires voisins. Les Mayas avaient obtenu le droit coloniser l’Asie. Aux lncas, revenaient les terres de l’Est, au-delà de l’océan.

Umaru et ses soldats avaient d’abord débarqué dans une région peuplée d’hommes noirs, soumis après de rudes combats. Les Incas installèrent des fortins et des garnisons puis leur armée remonta vers le nord, en suivant la côte.

Tous les bateaux portaient l’étendard Impérial, représentant le soleil. Les hommes pensaient à leur empereur là-bas dans les Andes et ils brûlaient de lui apporter des conquêtes. Umaru s’impatientait pour une autre raison. La bureaucrate avait retardé son voyage et l’Amiral souhaitait un gros butin. Deux jours plus tard, ils débarquèrent sur une terre que ses habitants appelaient Espagne. Ils incendièrent les forteresses en massacrant tous les soldats, des guerriers primitifs vêtus de lourdes armures. Les mitrailleuses et les canons incas les anéantirent facilement.

Après cette victoire, l’expédition remonta vers un pays boisé, au climat tempéré. Là encore, des sauvages en armures tentèrent de lutter. Leurs charges à cheval furent dérisoires sous les bombardements. Tupac Umaru fit amener devant lui, le chef ennemi fait prisonnier. L’homme portait une couronne et une cape blanche sur laquelle était dessinée une croix étrange, très longue.

— Je suis le roi de France, dit le chef tribal.

Umaru sourit. Pour amadouer son prisonnier, il lui montra une montre à quartz. Le sauvage eut l’air étonné mais refusa le cadeau. Umaru se raidit.

— Tout ton peuple sera réduit on esclavage, il devra cultiver les plantes dont nous avons besoin. En change de quoi, nous lui apprendrons la civilisation.

Puis, d’un geste, l’Incas ordonna d’égorger le chef blanc.

Dessin de Piou

Au cours de la conquête, les soldats s’emparèrent d’un bâtiment où vivaient d’étranges Créatures. Le sommet de leur crâne était rasé et ils portaient des robes d’étoffe grossière avec une ceinture de cordelette.

— Ce monastère est voué au service de notre seigneur Jésus-Christ, expliqua le plus vieux des sauvages.

Umaru eut une moue indulgente.

— Ah oui, le dieu stupide de vos contrées !

Il se mit à parler lentement, par compassion pour ces esprits simples et arriérés.

— Un dieu vivant, à l’allure d’homme, ne peut exister. Vous ne devez plus croire en lui. La seule divinité, c’est le soleil. Celui qui dispense la chaleur et le bien être.

Les sauvages répondirent pas. Umaru savait qu’il faudrait du temps pour les convenir, Il regarda tout autour de lui. Mais où sont vos femmes et vos enfants ?

— Nous n’en avons pas. Nous devons prier Dieu.

Les Incas éclatèrent de rire.

— Quels êtres stupides ! ricana Umaru. Comment peut-on refuser la vie !

Pendant que les soldats vidaient le monastère de ses trésors, un des moines pressentit le massacre. Il se cacha dans le grenier et griffonna sur un parchemin

En l’an de grâce 1350, l’apocalypse prédite par sainte Bible se réalise. Les légions de Satan sont arrivés. Mais quel péché a pu commettre l’homme blanc ? Ait pitié de nous, Seigneur !