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Revue Anarchiste n°33 avril 1925

V. Le mouvement anarchiste en Hongrie

jeudi 7 mai 2020, par Achille Dauphin-Meunier (autre)

V

 

Pour délivrer Ottó Korvin, trois anarchistes réfugiés à Vienne, décidèrent d’organiser un pusch. L’un d’eux, le professeur Stassny, était autrichien ; les deux autres, des hongrois, se nommaient Feldmar et Mauthner.

Marcel Feldmar, étudiant en médecine, mourut dans les cachots hongrois, en 1920. L’ingénieur Mauthner avait pendant la commune commandé une batterie de canons à longue portée.

Désigné par le sort, il retourna en Hongrie. Il s’aboucha avec des camarades qui séjournaient encore à Budapest, malgré la terreur. Mais, trahi par un de ses camarades, Csuvara, il fut arrêté le 15 décembre 1919 sous l’inculpation d’attentat contre la sûreté de l’État et de crime de lèse-majesté sur la personne d’Horthy. Condamné à mort le 13 avril 1920, il vit sa peine commuée en celle des travaux forcés. Après de multiples tentatives infructueuses, il parvint à s’évader de prison, le 21 juin 1921. Par la Tchécoslovaquie et l’Allemagne, il atteignit la France.

Le sort de ses amis budapestois se montra plus cruel.

Szamuely László.

Les deux frères Rabinovich, âgés de 18 et de 20 ans, furent éventrés dans leurs cellules à coups de baïonnettes. On pendit le jeune Szamuely, frère de ce Tibor Szamuely, directeur de la Tchéka hongroise, que massacrèrent les gendarmes chargés de l’appréhender.

Les rescapés du putsch poignardèrent le traître Csuvara. La réaction sembla, porter un coup mortel au mouvement anarchiste. Les rares libertaires restés en Hongrie qui ne voulurent pas se taire dans le silence universel, s’affilièrent aux cercles gnostiques fondés, il y a une trentaine d’années, par des adeptes de la philosophie de l’autrichien Eugène Schmidt. Mais les gnostiques sont des rêveurs, des illuminés non des hommes d’action.

Les anarchistes-révolutionnaires de Hongrie sont aujourd’hui de très jeunes gens, mais qu’a mûris précocement la vision d’une guerre, de deux révolutions et d’une terreur blanche. Dans l’ombre, illégalement, ils luttent. Ils s’efforcent de mettre en communication avec l’extérieur les captifs des camps de concentration ; ils animent les syndicats ; ils emportent les œuvres d’écrivains libertaires dont la vente est prohibée ; récemment, ils ont édité un journal polycopié, Uj Vilag (le Nouveau Monde), que l’on se passe de la main à la main.

Qu’une insurrection éclate, que les partis d’extrême-gauche unis dans un effort commun, parviennent à renverser le régime actuel, que les milliers d’émigrés, instruits par les duretés de la défaite et de l’exil reviennent enfin chez eux, peut-être verra-t-on surgir alors cette société communiste-anarchiste pour laquelle tant de penseurs et tant d’ouvriers ont souffert et sont morts !