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Georges Yvetot (1868-1942) [05]

mardi 18 février 2020, par Victor Méric - Flax (Domaine public)

Au contact de ce militant sincère et ardent qu’était Fernand Pelloutier, le jeune Yvetot comprit quelle tâche lui était réservée. Continuer l’œuvre de son prédécesseur, organiser la classe ouvrière en syndicats et agir dans le sens révolutionnaire, telles devinrent ses préoccupations.

On a pu voir comment il entend son rôle de militant. Sans cesse poursuivi, souvent condamné, il n’en continue pas moins sa propagande antimilitariste et antipoliticienne. Les années de prison, qui tombent dru sur sa tête, n’abattent point son courage et, à la cour d’assises, devant les messieurs en robes rouges et les jurés bourgeois, il fait paraître une belle insolence. Pourtant Yvetot est père de famille. Il a deux enfants : un garçon de dix-sept ans, un autre de onze ans. Il y a là de quoi faire réfléchir l’homme le plus hardi, surtout à notre époque d’individualisme exagéré où chacun cherche à se faire la part la plus belle. Mais Yvetot n’est pas de ceux qui font passer leur intérêt personnel avant toute autre considération. Il a voué son existence entière à une besogne déterminée. Même au sein de la CGT où bien des tempéraments se heurtent, où bien des individus assagis laissent voir une prudence et une habileté excessives, Yvetot ne craint pas de mettre les pieds dans le plat. Au congrès de Bourges, en 1904, alors qu’il fût question de rapprochements entre le monde ouvrier et les partis politiques, Yvetot fût le plus opiniâtre défenseur de l’autonomie syndicale. Au congrès d’Amiens, en 1906, il mérita l’épithète de « maladroit », grâce à la motion antimilitariste qu’il présenta et que refusèrent de voter des syndicalistes réputés anarchistes. L’adresse, en effet, si l’on appelle ainsi la tiédeur des convictions et le souci de la conservation fait défaut à notre camarade. Il va droit son chemin, sans s’occuper de lui-même. Il fonce sur l’ennemi. Il n’y a d’ailleurs qu’à le regarder : il évoque le bouledogue. Il est toujours prêt à mordre, à déchirer. Dans un large sourire de bon garçon, on voit luire des dents qui s’apprêtent à déchiqueter l’adversaire. Gare au jour des règlements de compte : le bouledogue de la révolution saura planter ses crocs dans la gorge des voleurs capitalistes.